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Deux mois après avoir touché un sommet historique à plus de 124 000 dollars, le Bitcoin traverse l'une de ses phases les plus heurtées de l'année. Depuis le 6 octobre, la cryptomonnaie a perdu près de 30 % de sa valeur, glissant sous les 90.000 dollars et tombant jusqu'à 85.700 dollars, un plus bas depuis sept mois. Cette séquence interroge : s'agit-il d'une simple correction, ou d'un signal annonciateur d'un retournement plus profond ?
La baisse ne concerne pas uniquement le Bitcoin. Dans le sillage de la cryptomonnaie star, l’ether a perdu 33 % depuis le 7 octobre, Solana près de 40 %, et la capitalisation totale du marché s’est contractée d’environ 1 200 milliards de dollars sur six semaines. Le 10 octobre, 19 milliards de dollars se sont volatilisés en vingt-quatre heures. Cette défiance s’explique en grande partie par les données économiques américaines. Les chiffres de l’emploi publiés en décalé montrent 119 000 créations de postes en septembre, contre 50 000 prévues. « Le marché réajuste le risque, réagissant aux données macroéconomiques », résume Vincent Liu, directeur des investissements chez Kronos Research, estimant que « la liquidité reste mince et les prises de bénéfices amplifient le mouvement ». Avec ces chiffres, les anticipations d’une baisse des taux de la Fed en décembre se sont affaiblies. Selon l’outil FedWatch du CME, la probabilité d’une réduction limitée à 25 points de base n’est que de 33 %. Dans ce contexte, les actifs risqués ont reculé, entraînant l’indice « Fear & Greed » en zone de « peur extrême ».
Pour de nombreux analystes, cette chute s’inscrit dans une dynamique attendue, mais la rupture de plusieurs seuils importe. Le passage sous les 100 000 dollars, puis sous les 90 000 dollars, a renforcé les craintes d’un marché en train de basculer. Certains soulignent désormais un niveau clé autour de 75 000 dollars, seuil auquel de nombreux investisseurs s’étaient positionnés après l’élection de Donald Trump. Une cassure franche pourrait provoquer une vague de ventes forcées. Ces tensions s’ajoutent à la volatilité déjà élevée du BTC. « Ce sont des actifs risqués qui présentent par nature des hausses et des baisses très marquées », rappelle Antoine Fraysse-Soulier, chef analyste chez Etoro. Il cite le précédent de 2022, quand le Bitcoin avait chuté de 45 000 à moins de 19 000 dollars en quelques semaines.
Malgré l’ampleur de la correction, aucun des spécialistes cités ne décrit une dynamique de rupture durable. « Je n’emploierais pas le terme alarmant », affirme Antoine Fraysse-Soulier, estimant que la baisse actuelle « n’est pas inhabituelle ». Lukas Enzersdorfer-Konrad, PDG de Bitpanda, partage ce diagnostic : « Le Bitcoin est dans une période de correction à laquelle on s’attendait. Cette période correspond généralement à des prises de bénéfices de la part des investisseurs. » Pour lui, le mouvement s’inscrit aussi dans un cycle de fin d’année et dans la corrélation croissante du Bitcoin avec les grandes classes d’actifs : « Sa courbe suit généralement celles des valeurs boursières. » Quant aux perspectives de long terme, les deux dirigeants restent nettement optimistes. Selon le chef analyste d’Etoro, le BTC « peut encore battre des records », autour de 150 000 dollars. Pour le PDG de Bitpanda, une trajectoire « jusqu’à 500 000 dollars » n’est pas à exclure, notamment parce que « les États commencent à parler de faire des réserves en crypto, les banques s’y intéressent de plus en plus ».
Alors que les particuliers s’interrogent, plusieurs acteurs majeurs ont profité de la baisse pour renforcer leurs positions. MicroStrategy a acquis 8 178 bitcoins pour 835,6 millions de dollars, soit sa plus grande opération depuis juillet, Michael Saylor, son président exécutif, confirmant la stratégie d'accumulation sur CNBC. Le Salvador a également réalisé un achat exceptionnel de 1 090 bitcoins, pour environ 100 millions de dollars. Dans ce contexte, certains investisseurs voient une opportunité plutôt qu’un danger. « Dans n’importe quel actif qui s’apprécie structurellement avec le temps, les corrections sont des opportunités », rappelle Jad Comair, fondateur de Melanion Capital. Cameron Winklevoss, cofondateur de Gemini, va encore plus loin : « C’est la dernière fois que vous pourrez acheter du Bitcoin à moins de 90 000 dollars. »
Si la correction actuelle est sévère, rien n’indique pour l’instant qu’elle signale la fin d’un cycle structurel. Le marché reste toutefois sous pression : plusieurs seuils techniques ont été franchis, la liquidité est réduite, et l’incertitude sur les taux américains reste forte. Les prochaines décisions de la Fed seront déterminantes pour la suite. La période est inconfortable, mais elle ne signe pas la fin de Bitcoin. La cryptomonnaie reste, plus que jamais, tributaire des vents macroéconomiques — et de la patience de ses investisseurs.
