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En France, l’adoption des cryptos connaît une percée notable. Plus qu’une simple classe d’actifs, elle est en passe de révolutionner en profondeur la manière dont on échange des biens et services. Et quoi de mieux que le déploiement massif de cartes de paiement crypto pour participer à leur évangélisation ?
C’est un souhait que tous les maximalistes cryptos partagent depuis des lustres. Après avoir fait l’objet d’escroqueries (voir Les Escrocs de la crypto sur Netflix !), le rêve de pouvoir payer en crypto avec une carte de paiement Visa ou Mastercard classique est en train de devenir réalité. Interrogé sur le phénomène, Alexis Bouvard, directeur France de Bitpanda, nous explique le fonctionnement du sésame : « Quand vous utilisez une carte de paiement crypto, deux scénarios sont possibles. Soit le commerçant accepte le paiement en crypto, et là, votre wallet est débité instantanément, soit le commerçant ne l’accepte pas. Dans ce cas, la crypto est convertie en temps réel en monnaie fiat (par exemple en euros) et transférée sur le compte du vendeur par un provider sous 48 h. » En somme, voici une carte de paiement qui offre les mêmes fonctionnalités qu’une carte bancaire traditionnelle : oui, il est aussi bien possible de payer ses courses que ses sorties au restaurant.
La plupart du temps gratuite, ce type de carte comporte de nombreux avantages, comme le plus évident : faciliter l’usage des cryptos dans le monde réel. Mais ce n’est pas tout. De nombreuses plateformes offrent d’autres avantages financiers, sous forme de cashback et de récompenses pour chaque paiement effectué avec la carte (comme un crédit en Bitcoin ou autres tokens).Maintenant, il faut dire que de nombreux défis existent toujours : dans de nombreux pays – la France ne fait pas exception –, chaque transaction qui passe par un passage en monnaie fiat est considérée comme une vente de cryptos. L’acheteur doit donc suivre ses dépenses afin de calculer ses plus-values totales et les déclarer au moment de sa déclaration de revenus en N+1, sous peine de retoquage par le fisc. D’autre part, il convient de rappeler ce qu’Aristote lui-même disait du triple rôle d’une monnaie : une unité de compte, un intermédiaire dans les échanges et un étalon de valeur. Si les deux premiers rôles sont bien remplis par les cryptos, leur volatilité et leur absence d’institutionnalisation claire, malgré la hausse stratosphérique de leur capitalisation ces dernières années, compliquent encore leur adoption comme réserve de valeur fiable.
Pour l’instant, les cartes de paiement crypto restent une solution de paiement assez confidentielle et semblent surtout être utilisées par les plateformes comme des produits de fidélisation destinés aux passionnés. D’autre part, leur modèle économique est encore loin d’être éprouvé : « Pour l’instant, ce n’est pas un produit rentable, notamment à cause des coûts élevés en matière de conversion en monnaie fiat. Chez Bitpanda, nous avons même décidé d’arrêter l’offre. »Un bouleversement à venir dans l’univers du paiement ?Sollicitée sur le sujet des cartes de paiement crypto, une grande banque française a refusé de répondre à nos questions, considérées comme trop sensibles.Il ne faut donc pas se leurrer : le lobbying en défaveur des cryptos est encore massif dans le monde de la finance traditionnelle, et aucun acteur des cryptos n’a encore réussi à imposer sa carte de paiement comme une réelle solution alternative aux cartes de paiement plus classiques. Soit à cause des pressions réglementaires, comme Binance, obligée de mettre fin à sa carte de paiement crypto en Europe en octobre 2023, soit par défaut de modèle économique rentable.
Une chose est sûre, la stratégie d’endiguement encore en place dans le monde bancaire traditionnel pourrait ne plus tenir très longtemps, bouleversée par plusieurs éléments : une démocratisation massive des cryptos, surtout chez les moins de 34 ans, un intérêt croissant des autorités financières pour l’actif (le règlement MiCA, Markets in Crypto-Assets, entré en vigueur en décembre 2024, participe à structurer le secteur en Europe) et des autorités américaines dont le consensus est assez favorable aux actifs cryptos.Certes, les banques traditionnelles continuent aujourd’hui à défendre leur pré carré. Mais Alexis Bouvard est confiant pour la suite : « J’ose espérer que demain, les banques proposeront des cartes de paiement crypto en tant qu’offre secondaire, en plus d’un compte courant et d’un compte crypto. Je pense que c’est là où l’on devrait aller en 2030. L’ADAN, l’association des acteurs cryptos, estime qu’en 2028, 20 % des Français de plus de 18 ans posséderont des cryptos. Aujourd’hui, on est à 12-13 %. » Il ne fait aucun doute que les cartes de paiement vont contribuer de manière significative à la diffusion des actifs numériques, notamment auprès des générations plus âgées. Toutefois, leur adoption continue de dépendre fortement des pérégrinations réglementaires et d’un marché encore relativement immature. Tant que les banques traditionnelles et les gouvernements garderont un œil prudent sur le secteur, ces cartes resteront avant tout un pont timide entre la finance traditionnelle et la nouvelle économie numérique… sans pour autant révolutionner complètement les mécanismes actuels d’échange de valeur !
A propos de l'auteur Certifié AMF et AMF Finance Durable, Nathan D'Ercole est spécialisé en finance, épargne et patrimoine.
