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L'un cartonne, l'autre décroche. Portée par la mécanique bien huilée de la gestion obligataire, la catégorie Article 8 signe au premier trimestre 2025 son meilleur score en collecte depuis plus de deux ans, selon le rapport SFDR Article 8 and Article 9 Funds : Q1 2025 in Review publié par MorningStar. Pendant ce temps, l'Article 9 continue de s'effriter, décrédibilisé par des exigences trop hautes pour une promesse encore floue. Le règlement SFDR, voulu pour clarifier la durabilité des fonds européens, devient un révélateur : celui d'un secteur de la finance verte plus divisé que jamais.
Les investisseurs européens auraient-ils tranché en faveur d’un durable « tempéré » ? Les 52 milliards d’euros de flux nets captés par les fonds Article 8 entre janvier et mars 2025 laissent peu de doute sur la tendance. Surtout quand on sait que l’essentiel – 49,3 milliards – provient des fonds obligataires, qui séduisent dans un contexte de normalisation monétaire. La mécanique est rodée : duration maîtrisée, labellisation ESG, communication millimétrée. En face, les Article 9 enchaînent un sixième trimestre consécutif dans le rouge. Moins 7,9 milliards d’euros. Moins 8,1 milliards rien que pour les actions. Ces fonds censés cibler des investissements « durablement durables » ne parviennent plus à convaincre, ni en performance, ni en clarté. Le marché s’interroge : trop contraignants ? Trop flous ? Ou simplement mal vendus ?
En coulisses, l’angoisse réglementaire fait son œuvre. La date du 21 mai 2025 marque l’entrée en vigueur des nouvelles règles anti-greenwashing de l’ESMA. Résultat : 262 fonds ont déjà été « nettoyés » de toute référence ESG dans leur nom au T1, dont 75 de façon radicale. Moins de promesses, moins de risques juridiques. Le message est clair : les sociétés de gestion privilégient désormais la sécurité juridique à l’ambition environnementale. Mais ce repli n’est pas sans conséquences. Les nouveaux lancements s’effondrent : seuls 174 nouveaux fonds Article 8 ou 9 sont arrivés sur le marché contre 274 au trimestre précédent. Une chute de 37 %. Le marché devient frileux, et ce sont les projets réellement innovants qui peinent à voir le jour.
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Avec seulement 2,9 % des encours du marché européen, les Article 9 restent marginaux. Pourtant, ils cristallisent toutes les attentes : impact mesurable, reporting exigeant, transparence totale. En théorie. Car dans les faits, très peu de gérants peuvent documenter un objectif durable crédible, encore moins garantir des résultats. Faute de méthode harmonisée, beaucoup choisissent de rétrograder leurs fonds en Article 8. Ce recul peut surprendre. Il est pourtant logique. Sur un marché où les données extra-financières restent imparfaites, où les controverses ESG explosent et où les réglementations évoluent sans cesse, promettre de « faire le bien » devient une responsabilité risquée. D’autant plus que les investisseurs attendent désormais des résultats tangibles, pas des slogans.
Ce glissement vers l’Article 8 traduit aussi une adaptation opportuniste. Moins exigeants, ces fonds restent commercialement attractifs. Ils permettent de cocher la case « durable » tout en conservant des marges de manœuvre dans la sélection de titres. Beaucoup de stratégies dites « best-in-class » ou « exclusions sectorielles » s’y réfugient. On parle ici de grandes capitalisations mondiales, de dettes corporate investment grade, ou encore de fonds diversifiés bien calibrés. Ce choix rassure. Mais il dilue aussi le sens du mot « durable ». Peut-on vraiment parler d’investissement responsable quand les critères ESG sont appliqués de façon relative, voire purement marketing ? Le débat, lui, reste entier.
Le paradoxe est là. En cherchant à clarifier les pratiques via le règlement SFDR, les autorités européennes ont, sans le vouloir, accentué la fracture entre deux visions : celle d’un ESG pragmatique mais tiède, et celle d’un impact ambitieux mais inopérant. Ce fossé grandit à mesure que les textes s’empilent et que les fonds peinent à suivre. Il interroge le rôle même des labels et des grilles réglementaires dans la transition écologique. Le premier trimestre 2025 consacre le retour en force des fonds Article 8, moteurs d’une croissance raisonnée, mais pas nécessairement transformante. Les Article 9, eux, s’enfoncent dans le doute. Faute d’outils robustes et d’un cadre stabilisé, ils ne parviennent ni à délivrer l’impact promis, ni à rassurer les investisseurs. Une certitude émerge néanmoins : à défaut d’avoir tranché entre performance et engagement, le marché a choisi… d’attendre.
➸ SFDR Article 9 et fonds à impact : réglementation ou contrainte ?
➸ Indicateurs, SFDR, Article 9, ESG : comment naviguer dans l'investissement durable ?