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Cet été, le Congrès américain a adopté le GENIUS Act, une loi qui encadre les stablecoins. Derrière ce texte technique se cache un pari audacieux : transformer une innovation issue de l’univers crypto en acteur central du financement public américain. Explications sur un virage qui pourrait redessiner l’équilibre financier mondial.
Les stablecoins, ces monnaies numériques indexées sur une devise traditionnelle comme le dollar, représentent aujourd’hui un marché de près de 200 milliards de dollars. Contrairement aux cryptomonnaies classiques, leur valeur est conçue pour rester stable grâce à des réserves équivalentes détenues par les émetteurs. L’USDC (Circle) et l’USDT (Tether) dominent largement le secteur, pesant ensemble plus de 85 % du marché.Jusqu’ici, leur statut juridique restait flou. Le GENIUS Act (Guiding and Establishing National Innovation for US Stablecoins), adopté en juillet, vient changer la donne. Il impose que chaque stablecoin américain soit couvert à 100 % par des actifs liquides : dollars déposés dans des banques ou bons du Trésor à court terme. En outre, les émetteurs devront publier la composition de leurs réserves chaque mois et fournir des audits annuels s’ils dépassent les 50 milliards de dollars de capitalisation.Ce cadre vise à rassurer les utilisateurs en renforçant la transparence et en évitant toute ambiguïté : les stablecoins ne sont pas garantis par l’État fédéral, ni couverts par l’assurance FDIC des banques. Mais, dans les faits, il leur donne une légitimité inédite, qui les place à la frontière entre finance traditionnelle et univers crypto.
Au-delà de la régulation, c’est la portée macroéconomique du texte qui interpelle. Si les émetteurs doivent investir l’essentiel de leurs réserves en bons du Trésor, les stablecoins deviennent mécaniquement des acheteurs captifs de dette publique américaine. Avec près de 200 milliards de capitalisation, leur poids représente environ 3,5 % du marché total des Treasuries. Une part modeste, mais qui prend une résonance particulière dans un contexte géopolitique tendu.Depuis cinq ans, la banque centrale chinoise a réduit ses positions en dette américaine de plus de 300 milliards de dollars, passant à 750 milliards en avril 2025. En parallèle, plusieurs pays émergents évoquent une dédollarisation progressive de leurs réserves. Face à cette érosion, l’arrivée des stablecoins comme relais d’acheteurs apparaît stratégique. Ils pourraient, en quelque sorte, remplacer une partie des investisseurs étrangers en perte de vitesse.Le pari américain est donc double. D’une part, il crédibilise une innovation contestée en lui donnant un cadre clair. D’autre part, il transforme les stablecoins en un outil de souveraineté financière : en intégrant la sphère crypto dans son système, Washington s’assure de conserver le dollar au cœur des flux numériques mondiaux.
Pour Indosuez Wealth Management, qui analyse ce mouvement, les États-Unis ont peut-être signé un pari audacieux et… gagnant : transformer une invention privée en allié durable du Trésor américain.