Ubisoft rassure malgré une perte nette de 161 millions d'euros au premier semestre

Un semestre marqué par des pertes opérationnelles et une trésorerie sous pression

Le chiffre d'affaires du premier semestre s'établit à 657,8 millions d'euros, en repli de 2,1 % sur un an. Cette contraction s'explique par un environnement concurrentiel exigeant et des calendriers de sorties décalés. La marge brute atteint 577,7 millions d'euros, soit 89,6 % du chiffre d'affaires, un niveau qui témoigne du positionnement premium de l'éditeur mais qui ne suffit pas à compenser les charges opérationnelles. Le résultat opérationnel ressort négatif à 120,2 millions d'euros.

La perte nette s'élève à 161,3 millions d'euros, soit un bénéfice par action dilué de -1,23 euro. Le coût des ventes se limite à 80,2 millions d'euros, traduisant un modèle économique largement centré sur le développement et la distribution numérique. Les charges financières atteignent 33,4 millions d'euros, reflet d'un endettement élevé dans un environnement de taux durables.

La trésorerie disponible s'établit à 668,2 millions d'euros à la clôture du semestre, tandis que la dette nette s'élève à 1,149 milliard d'euros. Le ratio dette nette sur capitaux propres ressort à 0,78, soit un niveau qui commence à contraindre la capacité d'investissement du groupe. Le flux de trésorerie opérationnel est négatif de 240,3 millions, conduisant à un flux de trésorerie disponible de -250,7 millions après prise en compte d'investissements de 10,4 millions.

Les capitaux propres atteignent 1,566 milliard d'euros pour un total d'actifs de 4,313 milliards, un bilan qui reste solide mais sous pression. Le flux de trésorerie de financement, négatif de 54,2 millions, traduit un recours limité aux marchés pendant la période. Le groupe précise par ailleurs qu'un retraitement comptable selon la norme IFRS 15 a conduit à un non-respect temporaire de certains covenants bancaires, situation en cours de régularisation.

Les consoles dominent l'activité, l'Amérique du Nord représente la moitié des revenus

La répartition par plateforme confirme la prédominance des consoles, qui génèrent 59 % des net bookings sur le semestre. Le PC représente 23 % de l'activité, un segment stratégique en croissance notamment grâce aux titres en ligne à forte récurrence. Le mobile ne pèse que 7 % des revenus, illustrant la faible exposition d'Ubisoft à ce marché dominé par des acteurs asiatiques et des modèles free-to-play. Les autres sources de revenus, notamment le merchandising et les licences, complètent le mix à hauteur de 11 %.

Sur le plan géographique, l'Amérique du Nord concentre 50 % des net bookings semestriels, confirmant le poids du marché nord-américain dans l'industrie du jeu vidéo. L'Europe représente 39 % des revenus, un marché historique pour le groupe mais moins dynamique en valeur absolue. Le reste du monde, qui comprend l'Asie et l'Amérique latine, ne pèse que 11 %, signe d'un potentiel de développement encore modeste dans ces zones.

Le groupe revendique 88 millions d'utilisateurs uniques sur le semestre, dont 34 millions d'utilisateurs actifs mensuels (MAU). Ces chiffres témoignent d'une base installée importante, même si la monétisation par utilisateur reste sous pression. La performance de certaines franchises majeures, notamment Assassin's Creed et Tom Clancy's The Division, soutient l'engagement des joueurs, mais la société reconnaît une hausse temporaire de la triche sur Rainbow Six Siege, phénomène qui a pesé sur l'activité et les dépenses in-game.

L'effectif s'établit à 17 097 collaborateurs à fin septembre, un niveau stable qui reflète la volonté de maîtriser les coûts fixes tout en préservant les capacités créatives. Parallèlement, le groupe poursuit le déploiement de son nouveau modèle organisationnel, qui sépare les studios de production (Vantage Studios) des équipes créatives (Creative Houses), dans l'objectif d'accélérer le time-to-market et d'améliorer l'efficience opérationnelle.

Une transaction stratégique avec Tencent pour assainir le bilan

Ubisoft s'apprête à finaliser la cession d'une participation minoritaire dans Vantage Studios à Tencent, opération qui doit générer un produit de cession de 1,16 milliard d'euros. Ce montant constitue un apport de liquidités majeur pour un groupe dont la dette nette dépasse actuellement le milliard d'euros. Selon la direction, cette transaction doit permettre de ramener la dette nette consolidée non-IFRS à un niveau proche de zéro après clôture, redonnant ainsi des marges de manœuvre financières au groupe.

L'opération s'inscrit dans une logique industrielle qui vise à accélérer le développement de Vantage Studios, entité dédiée à la production de jeux AAA. Tencent, acteur majeur du secteur en Asie, apporte non seulement des capitaux mais également une expertise en matière de distribution et de monétisation sur des marchés clés. Le partenariat doit également faciliter l'accès d'Ubisoft au marché chinois, où les barrières réglementaires et concurrentielles demeurent élevées.

Les investissements du semestre restent limités à 10,4 millions d'euros, un niveau inhabituellement bas qui reflète une phase de transition dans le calendrier de développement. Le groupe privilégie désormais une approche plus sélective dans ses projets, en concentrant ses ressources sur les franchises à fort potentiel de récurrence et de monétisation. Cette stratégie se traduit par un ralentissement temporaire des lancements, mais vise à améliorer la rentabilité à moyen terme.

Le flux de trésorerie d'investissement, négatif de 13,2 millions d'euros, intègre principalement des acquisitions de licences et des participations minoritaires dans des studios tiers. La société continue de renforcer son écosystème créatif, tout en limitant les opérations de croissance externe de grande ampleur dans l'attente de l'amélioration de sa structure financière. Le flux de financement négatif de 54,2 millions traduit un remboursement partiel de dette et un recours limité aux nouveaux emprunts.

Un objectif de stabilisation des net bookings et un résultat proche de l'équilibre

Pour l'exercice 2025-26, Ubisoft vise une stabilisation de ses net bookings par rapport à l'année précédente, un objectif prudent qui reflète les incertitudes liées au calendrier de sorties et à la concurrence. Le troisième trimestre devrait enregistrer des net bookings d'environ 305 millions d'euros, un niveau qui confirme la saisonnalité marquée de l'activité et le poids des périodes de fin d'année. Le management précise que cet objectif repose sur la performance continue du back-catalogue et sur le succès des mises à jour de titres phares comme Rainbow Six Siege et For Honor.

Le résultat opérationnel non-IFRS est attendu proche de l'équilibre sur l'exercice complet, une guidance qui implique une amélioration sensible au second semestre. Cette trajectoire suppose une maîtrise stricte des charges de structure et une reprise de la croissance organique portée par les lancements prévus. Toutefois, le groupe anticipe un flux de trésorerie disponible négatif sur l'année, conséquence des décalages de sorties et des investissements en développement déjà engagés.

Le management souligne que la finalisation imminente de la transaction avec Tencent constitue un tournant majeur pour le groupe. « La finalisation de notre transaction stratégique avec Tencent est imminente et apportera 1,16 milliard d'euros de liquidités, permettant le désendettement du Groupe et l'accélération de Vantage Studios », indique la direction dans son communiqué. Ce message traduit une volonté de rassurer les investisseurs sur la solidité financière retrouvée et sur la capacité du groupe à financer ses ambitions créatives.

Parmi les opportunités identifiées figurent la force du catalogue historique et les performances des franchises emblématiques, notamment Assassin's Creed et The Division. Le nouveau modèle opérationnel, articulé autour de Vantage Studios et des Creative Houses, doit permettre d'améliorer l'efficience tout en préservant la qualité créative. En revanche, les risques persistent, notamment la hausse temporaire de la triche sur Rainbow Six Siege, qui pèse sur l'engagement et les revenus in-game, ainsi que le non-respect temporaire de covenants lié au retraitement IFRS 15.

Ubisoft traverse une phase de transition marquée par des résultats semestriels déficitaires et une trésorerie sous tension, mais l'apport imminent de 1,16 milliard d'euros via l'accord avec Tencent doit permettre un désendettement rapide et restaurer la flexibilité financière. Le groupe mise sur la stabilisation de ses net bookings et un retour à l'équilibre opérationnel dès cet exercice, tout en poursuivant la refonte de son modèle organisationnel pour gagner en efficience. Les performances du back-catalogue et le poids de franchises historiques offrent un socle solide, mais la capacité à tenir les calendriers de sorties et à contenir les risques opérationnels restera déterminante pour regagner la confiance des investisseurs. Le positionnement stratégique du groupe, renforcé par le partenariat avec Tencent, ouvre de nouvelles perspectives de croissance, à condition de surmonter les défis actuels de rentabilité et de génération de trésorerie.