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L'annonce, par le président américain, d'une réserve stratégique de bitcoins marque une avancée significative dans la reconnaissance officielle des cryptomonnaies. Toutefois, son fonctionnement très encadré soulève, pour l'instant, des questions sur son efficacité. Article extrait du magazine print Idéal Investisseur n°4.
Donald Trump l’avait promis aux partisans et aux adeptes des cryptomonnaies pendant sa campagne électorale. Il a tenu parole. Le 6 mars 2025, l’occupant du Bureau ovale a dévoilé les détails de la réserve stratégique de bitcoins, pièce maîtresse de son décret signé le 23 janvier, qui vise à renforcer le leadership des États-Unis dans les technologies financières numériques. Portée par la sénatrice Cynthia Lummis, cette initiative s’inscrit dans le cadre du BITCOIN Act, présenté en juillet 2024 et réintroduit au Congrès le 11 mars. Toujours en discussion, le projet prévoit, sur le modèle des réserves d’or, d’acquérir un million de bitcoins, soit 5 % de l’offre totale, sur une période de cinq ans, et de les conserver pendant au moins 20 ans. L’objectif : diversifier les actifs soutenant le dollar et aider à résorber la dette américaine, estimée à 36?000 milliards de dollars.Cette réserve sera alimentée par environ 200?000 bitcoins (près de 15,6 milliards de dollars au 7 avril 2025) détenus par le gouvernement fédéral et confisqués dans le cadre de saisies d’actifs criminelles ou civiles. Ils seront conservés en tant que valeur de réserve et ne pourront pas être vendus. Les secrétaires au Trésor et au Commerce pourront élaborer des stratégies pour acheter des bitcoins sur les marchés, sous réserve de neutralité budgétaire pour les contribuables. Les achats ne devront pas leur coûter un sou. Le décret crée un stock d’actifs numériques pour les autres cryptomonnaies comme Ethereum, Cardano ou Solana, alimenté uniquement par des saisies, et non par des achats. Le bitcoin est le seul crypto-actif à bénéficier du statut de valeur stratégique.
L’instrument marque une étape clé dans l’évolution des cryptomonnaies. « C’est la première fois qu’une grande puissance mondiale reconnaît le bitcoin comme un actif à part entière, en le stockant dans une réserve stratégique, et lui confère une certaine légitimité », explique Eric Benoist, expert en recherche Tech & Data chez Natixis CIB. « Cette décision pourrait inciter les investisseurs à l’adopter comme actif de diversification ou de protection contre l’inflation. »Stocker le bitcoin dans une telle réserve le placerait sur un pied d’égalité avec d’autres ressources stratégiques, comme le pétrole ou l’or. Comme l’explique dans une note John Plassard, directeur de Mirabaud, une re?serve stratégique de bitcoins est destine?e « a? servir d’outil de stabilité économique ou financière, de la même manière que les réserves stratégiques de pétrole ge?rent les approvisionnements en pe?trole pendant les crises ». La cryptomonnaie est d’ailleurs qualifiée d’« or numérique », pour sa rareté et sa sécurité. Son créateur, Satoshi Nakamoto, n’en a créé, ou « miné », que 21 millions de pièces, tandis que le Bitcoin, grâce à son architecture décentralisée et son réseau blockchain, n’a jamais été piraté depuis son lancement en 2009.
Pour autant, le chemin est long pour que le Bitcoin joue le même rôle que l’or noir et le métal jaune. Qui plus est, cette réserve est moins ambitieuse que prévu. « C’est un début de tournant, mais aussi une déception pour l’industrie crypto, car toute expansion de la réserve doit être neutre sur le plan budgétaire, ce qui, dans l’immédiat, retire un facteur de soutien à l’achat », note Eric Benoist. Le bitcoin s’échangeait à 78?163 dollars le 7 avril, soit un repli de 13 % depuis l’annonce de la réserve, accentué par le krach boursier. Par rapport à son pic de 109?000 dollars du 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump, il plonge de 23 %.Selon Mirabaud, la création d’une réserve de bitcoins comporte des risques qui pourrait perturber le marché, comme le risque cyber, la manipulation politique, l’offre limitée et la volatilité. Sur ce point, Eric Benoist note que le bitcoin présente une volatilité de 50 à 70 %, bien supérieure à celle de l’or ou du dollar, le rendant plus risqué. « Ajouter entre 1 % et 3 % de bitcoins à un portefeuille peut offrir une décorrélation modeste. Au-delà, sa volatilité excessive limite son rôle de valeur refuge », note l’expert. Quant à l’idée initiale du BITCOIN Act de rembourser 50 % de la dette américaine, il la juge « irréaliste ». Et pour cause. Acquérir du bitcoin reviendrait à vendre du dollar et nourrir les craintes de dédollarisation. De plus, pour rembourser la moitié de la dette américaine, la cryptomonnaie « devrait croître de 31 % par an pendant 20 ans, sur la base d’un cours à 80?000 dollars et d’une dette stable » – une mission impossible !