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Dernière mise à jour : 30/06/2025 - 17h35

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Souveraineté maritime française : 10 mesures pour une reconquête stratégique

Alors que les mers redeviennent le théâtre de rivalités économiques, politiques, technologiques et militaires, la France s’interroge sur sa capacité à défendre, incarner et faire vivre sa souveraineté maritime. C’est à cette ambition qu’a voulu répondre la conférence organisée par l’Institut National des Affaires Stratégiques et Politiques (INASP), mercredi 18 juin 2025, à l’Hôtel de l’Industrie, à Paris.

Souveraineté maritime française : 10 mesures pour une reconquête stratégique
Temps de lecture : 3 minute(s) - Par | Mis à jour le 30-06-2025 15:55 | Publié le 30-06-2025 15:44

Une puissance maritime encore sous-exploitée

Autour de la table, quatre voix expertes aux profils complémentaires ont dressé un état des lieux sans fard des menaces qui pèsent sur les intérêts maritimes français. Philippe Folliot, sénateur et membre influent de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi que de la délégation sénatoriale aux outre-mer, a ouvert les débats avec un constat sans appel : « Le grand problème de notre pays est que la France se croit continentale et européenne, alors qu’elle est mondiale et maritime ».

Une formule appuyée par les chiffres : avec 13 territoires ultramarins et plus de 11 millions de kilomètres carrés sous juridiction maritime (ZEE), la France possède le deuxième espace maritime mondial — un levier géopolitique et économique encore trop sous-exploité.

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Aux côtés du sénateur, Pierre Leonidas, directeur adjoint du Cluster Maritime Français, a rappelé l’impératif de bâtir une approche « duale et hybride », articulant présence militaire, développement économique et partenariats publics-privés. Selon lui, les ports ultramarins représentent le « cœur battant » de cette souveraineté, en tant que nœuds logistiques, symboles de présence, et moteurs économiques.


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Cybersécurité : la faille des câbles sous-marins

Victoria Hauser, directrice générale de Qorum Secur'Num et réserviste opérationnelle au Commandement cyberespace du ministère de l’Intérieur, a quant à elle mis en lumière un volet souvent négligé mais désormais central : la cybersécurité. « Les câbles sous-marins, par lesquels transitent 95 % des communications mondiales, constituent des points de vulnérabilité majeurs », a-t-elle rappelé, évoquant notamment la cyberattaque qui a paralysé le port de Saint-Nazaire en 2023, contraint de revenir temporairement à des procédures manuelles.

Selon Victoria Hauser, les menaces hybrides — mêlant attaques numériques et opérations physiques — sont appelées à devenir la norme.



Enfin, Aurélie Tardieu, maître de conférences en droit public à l’Université de Caen Normandie et membre du comité d’orientation du Réseau francophone de droit international, a dressé un panorama juridique des enjeux maritimes. S’appuyant sur des exemples historiques comme les « guerres de la morue » entre l’Islande et le Royaume-Uni, ou plus récents comme le différend entre les Philippines et la Chine en mer de Chine méridionale, elle a souligné combien le droit de la mer constitue un champ d’affrontements croissants où la France doit affirmer ses positions.

Un socle de dix mesures prioritaires

Cyberattaques, pêche illégale, narcotrafic, catastrophes naturelles, revendications étrangères sur les possessions ultramarines : la liste des menaces est longue. Et face à cette complexité, les intervenants ont souligné la nécessité de mettre en œuvre une stratégie nationale cohérente et ambitieuse. Celle-ci s’articule autour de 10 mesures prioritaires, dessinées comme les fondations d’un sursaut français en mer.

La première proposition concerne le renforcement de la flotte de souveraineté, qu’elle soit militaire ou civile. Il s’agit d’adapter les moyens de la Marine nationale à l’immensité des zones à couvrir, notamment en Outre-mer, tout en développant des outils technologiques comme les drones, les satellites ou les navires autonomes. Dans le même esprit, la France doit porter une vision intégrée de sa présence souveraine en mer : Pierre Leonidas l’affirme, l’approche « duale et hybride » évoquée s’incarne par le réseau de pêcheurs, d’armateurs et de marins qui constituent autant de « gardiens vigilants de notre souveraineté ».

Autre priorité mis en lumière par les quatre experts : la lutte contre la pêche illégale et les intrusions étrangères, qui mettent en péril les ressources halieutiques et fragilisent l’autorité de l’État. Ce combat suppose un renforcement des moyens de surveillance et une coopération renforcée avec les États voisins.

Sur le plan diplomatique, les intervenants, notamment le sénateur Philippe Folliot, appellent à une affirmation plus claire des droits maritimes français. Dans certaines zones ultramarines sensibles (îles Éparses, île de Clipperton, terres australes), la souveraineté est contestée ou peu visible. L’Hexagone doit faire valoir ses droits avec détermination, y compris par des moyens juridiques et scientifiques – évoquant le maillage de bases scientifiques déployé dans les années 1950 – 1960.

Cela suppose aussi une réindustrialisation navale nationale : soutenir les chantiers français, c’est garantir l’autonomie stratégique, créer de l’emploi et affirmer la présence de la France sur toutes ses façades maritimes.

Des ports sécurisés et compétitifs

Le volet technologique n’est pas en reste. Les infrastructures critiques — câbles, ports — sont aujourd’hui des cibles. Leur protection devient un enjeu de sécurité nationale. D’où la nécessité, selon les intervenants, d’investir massivement dans les ports français pour en faire des places fortes sécurisées et compétitives, capables de jouer un rôle structurant au sein des économies locales.

À l’issue de cette conférence, une conviction partagée s’est imposée : la souveraineté maritime française ne peut plus être réduite à la seule puissance navale. Elle repose sur un écosystème global où se croisent diplomatie, droit, industrie, innovation, cybersécurité et engagement local. Dans un monde en recomposition, où les mers sont à nouveau des lignes de front, la France possède les atouts pour peser. À condition de les mobiliser pleinement.

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