Les banques soutiennent que, puisqu’il y aurait « équivalence » des calculs, il n’y aurait pas lieu de condamner la pratique de l’année lombarde.
Mais il n’y a pas réellement d’équivalence puisque le résultat du calcul n’est pas le même si l’on utilise une année de 360 jours ou une année de 365 jours.
Par exemple, pour un prêt de 300.000 € au taux de 2%, le montant des intérêts annuels est de 6.000 € ;
Si l’on veut calculer le montant des intérêts dus pour une période de 20 jours, 2 opérations sont possibles :
· 6.000 / 360 x 20
ou
· 6.000 / 365 x 20
Le résultat ne sera pas le même.
La seule équivalence que les banques croient pouvoir démontrer concerne les échéances « ordinaires », mensuelles en général.
Pour celles-ci, les établissements financiers expliquent que :
- S’ils utilisent l’année de 360 jours et considèrent qu’un mois compte 30 jours (comme le prévoient certains contrats de prêt) ;
- ils obtiennent le même résultat que si elles utilisaient une année de 365 jours et un mois « normalisé » de 30,41666 jours.
La Cour d’appel de Paris, dans ces deux décisions, écarte l’argument :
- en rappelant que c’est la clause prévoyant l’utilisation de l’année lombarde qui mérite d’être sanctionnée ;
- et que la prétendue « équivalence » n’est en réalité qu’une tentative pour dissimuler l’effet de l’utilisation de l’année lombarde sur le calcul du montant des intérêts dus par l’emprunteur.
On ajoute que, selon toute vraisemblance, les banques n’accepteraient pas que leurs clients procèdent à leur égard par « équivalence ».
Il y a fort à parier qu’aucune banque ne trouverait légitime qu’un emprunteur s’arroge, de lui-même, le droit d’exécuter son obligation de rembourser par « équivalence » : dans une monnaie étrangère, en reportant des mensualités même s’il ajoute les intérêts correspondants, etc.
Les banques « expliquent » que les emprunteurs ne supporteraient une surfacturation d'intérêts qu'à l'occasion des échéances intercalaires, ce qui représenterait de faibles sommes, de sorte que la substitution du taux légal au taux nominal serait « disproportionnée » par rapport au préjudice subi.
Elles « oublient » que les emprunteurs ne demandent pas l'indemnisation d'un préjudice mais la sanction d'une pratique jugée contraire à l'ordre public par la Cour de cassation.
Elles « oublient » encore que les échéances intercalaires peuvent se répéter, notamment à l'occasion de déblocages de fonds successifs.
Elles « oublient » surtout que, même si cette pratique leur a fait gagner peu sur chaque contrat, ce gain doit être multiplié par le nombre de contrats contenant la clause litigieuse et le nombre d'année pendant lesquelles elles ont, impunément- pratiqué l'année lombarde.
Ainsi, si l'on peut saluer les 3 arrêts précités, l'on regrettera le manque d'homogénéité des décisions rendues sur ce thème.
En effet, certains tribunaux refusent obstinément de faire application de la jurisprudence de la Cour de cassation et l'on observe même des divergences entre différentes chambres – ou sections – d'une même Cour d'appel.
A propos de l'auteur
Ganaëlle SOUSSENS est avocat en droit immobilier, droit bancaire et droit des assurances au barreau de Paris depuis 1999.
Elle défend les investisseurs immobiliers, les emprunteurs contre les banques et les assurés dans les litiges avec leur assurance.
Commentaires