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"Avec une croissance plus rare, évaluer la juste sensibilité au cycle a davantage d'importance"

Fondée en 1985, la société de gestion Comgest se distingue par son approche qualité / croissance. Une philosophie qui semble porter ses fruits dans une croissance économique mondiale atone. Rencontre avec Sébastien de Frouville, Responsable des Relations Investisseurs.

Temps de lecture : 5 minute(s) - Par Propos recueillis par C Courvoisier | Mis à jour le 19-10-2021 14:55:00 | Publié le 28-10-2019 10:30  Photo : © Comgest  

Ideal-investisseur.fr. - Comgest est une société de gestion assez singulière dans le paysage français. Quelles sont vos spécificités ?

Sébastien de Frouville. - La singularité de Comgest est d'être depuis longtemps une société à la fois indépendante et internationale. Indépendante, car ce sont les salariés qui sont actionnaires. C'était dès le départ la volonté des deux fondateurs, il y a une trentaine d'années. Internationale, car nous sommes basés dans 9 pays et que 70% de nos investissements sont à l'étranger. Nous avons ouvert un bureau à Hong Kong dès 1993 et nous gérons des portefeuilles émergents depuis.

Ce qui nous satisfait le plus sur les 8 dernières années, c'est d'avoir réussi à rééquilibrer notre base d'actifs. Ces derniers étaient concentrés à 80% dans notre fonds émergent en 2011. Le dévelopement des actions internationales, européennes et japonaises a permis de diluer le poids des marchés émergents qui représentent désormais 50% de nos actifs dans les pays émergents. Au 30 juin 2019, Comgest gérait 30 milliards d'euros d'actifs, soit près de 17% de plus qu'à fin 2018. Nos investisseurs sont surtout des fonds souverains, des fonds de pension et des banques et la France représente 30% de nos actifs.

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Vous vous différenciez également par votre méthode d'investissement qui ne semble pas sensible aux cycles. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous avons 3 ‘flagships' qui représentent 93% de nos actifs. Ils ont été lancés ou repris en 1991, 1993 et 1994. Il s'agit de Comgest Monde, Renaissance Europe et Magellan. Ils réalisent à peu près la même performance annualisée : entre 8 et 9 % par an, après frais de gestion.

Notre modèle est très simple et nous appliquons les mêmes recettes depuis bientôt 30 ans. Nous ne gérons que des actions, plutôt large caps, avec une seule méthode dite ‘qualité et de la croissance'. Nous investissons dans des sociétés que nous estimons peu sensibles aux cycles économiques et à la concurrence.

La partie la plus difficile de l'exercice c'est d'évaluer la longévité de la croissance d'une société. Cela revient à mesurer la taille de la barrière à l'entrée. Mais il faut toujours rester vigilant : la concurrence peut être limitée pendant 10 ou 15 ans jusqu'à ce que la barrière soit franchie et que l'intensité concurrentielle ne change radicalement. Comme le dit Andrew Grove, ancien patron d'Intel, « seuls les paranoïaques survivent ».




Avez-vous des exemples de ces barrières à l'entrée ?

Cela peut par exemple être la taille de l'entreprise, comme dans le secteur de l'assurance en Asie, notamment en Chine. La première compagnie d'assurance chinoise privée s'appuie sur plus d'1 million de conseillers. Autrement dit, si un concurrent veut se positionner sur ce marché, il y a une très forte barrière à l'entrée car il devra déployer une force commerciale énorme pour espérer exister.

Un autre type de barrière à l'entrée est « l'effet de réseau », comme avec Google. Quel est le meilleur alogorythme entre Google et Yandex (le Google russe) ? Difficile de répondre à cette question et la réponse n'est sans doute qu'anecdotique. Le plus important était d'être le premier et de lancer le cercle vertueux « plus il y a d'utilisateurs, plus j'améliore l'algorithme » et « plus l'algorithme est bon plus j'ai d'utilisateurs. Et plus je peux vendre cher la publicité ».

Une barrière peut également pâtir d'une rupture technologique. Le spécialiste des pièces de vélo Shimano avait 93% de parts de marché et un budget de recherche et développement 20 fois supérieur à ses concurrents depuis très longtemps. Le développement du vélo électrique pourrait rebattre les cartes.



Quels sont les secteurs qui vous paraissent les plus prometteurs au niveau mondial, selon vos critères ?

Pour qu'il y ait un potentiel à long terme, il faut généralement qu'il y ait une grande tendance, mais cela ne suffit pas. Il faut aussi trouver des acteurs qui soient capable de monétiser cette croissance. Le transport aérien croît d'environ 5% pour an depuis des décennies. Or, les compagnies aériennes dans leur ensemble n'arrivent pas à monétiser ce mega trend.

Même chose avec les société pharmaceutiques. Quelques unes réalisent 50% de leur chiffre d'affaires aux États-Unis. Il y a quelques années, on comptait plus d'une dizaine de ‘payeurs' (sorte d'équivalent de notre sécurité sociale). Il y a en 3 aujourd'hui. L'industrie a donc perdu en pouvoir de négociation et la hausse des volumes liée au vieillissement de la population n' a souvent permis de compenser baisses des prix et tombées de brevets. A nos yeux pour ces sociétés pharmaceutiques il faut bien évaluer les innovations à venir ou investir dans certains équipementiers médicaux qui commercialisent des produits à quelques dollars qui pour le moment subissent moins de pression sur les prix.

Il faut être expert du secteur dans sa globalité, mais aussi de chacun des marchés spécifiques à l'entreprise pour faire ce type de choix.

C'est vrai. Chaque société suivie représente un véritable travail de fourmi. C'est pour cela que nos analystes suivent seulement une dizaine de sociétés environ.

Quelles perspectives entrevoyez-vous dans une économie mondiale qui ralentit ?

Le terrain est lourd depuis une dizaine d'années. La démographie chute, et c'est peut-être l'élément le plus inquiétant car c'est le plus prévisible de la croissance économique. Par ailleurs, le désendettement n'a pas commencé. Le super cycle 2003-2007, durant lequel la croissance mondiale affichait 5% par an, notamment dopée par le crédit, est loin derrière nous.

La croissance est rare, aussi nous pensons que notre style de gestion, moins sensible aux cycles, est intéressant. L'Europe ressemble de plus en plus au Japon, il n'y a pas d'inflation et nous devons trouver des franchises sur ces bases. Côté industrie, il semble y avoir fréquemment des sujets de surcapacités. Il est moins difficile de prévoir l'évolution des bénéfices des sociétés si elles ne sont pas trop sensibles aux aléas. Et de devoir trouver 30 à 50 bonnes idées par fonds et pas plusieurs centaines. Nous les gardons ensuite généralement dans le temps.

L'investissement socialement responsable prend de plus en plus de place dans le monde financier. Quelle est la politique de Comgest en la matière ?

Avec l'approche qualité qui est dans l'ADN de Comgest, nous intégrons des critères ESG depuis toujours, et nous le matérialisons depuis 12 ans. De fait, les sociétés que nous sélectionnons mettent tout en place pour durer. Elles sont donc spontanément dans cette démarche de bientraitance des tiers ou de bonne gouvernance.

Notre philosophie est aussi de nous engager dans la vie des entreprises dans lesquelles nous investissons lorsque nous considérons que c'est nécessaire. Nous avions par exemple proposé à l'un des leaders de la climatisation de changer le gaz de ses machines, car il contribuait au réchauffement climatique. Cela a été fait en 2015. Cette année, avec d'autres sociétés de gestion, nous avons proposé 2 administrateurs indépendants pour faire progresser la gouvernance d'une grande société européennes.

A ce jour, avec une emprunte carbone en moyenne 80% inférieure aux indices, nos fonds pourraient nous permettre d'afficher la plupart des labels. Nous allons lancer d'ici la fin de l'année des versions labellisées dans un premier temps pour nos fonds européens et émergents. Au cas les labels devaient évoluer, nous voulons laisser le choix aux investisseurs d'opter pour les versions historiques ou pour les versions labellisées.

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