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Lyon et Rennes votent un « budget genré » : qu'est-ce que c'est ?

Plusieurs villes de France vont adopter un « budget sensible au genre ». L'idée fait débat, mais existe pourtant déjà dans les textes français et européens.

Temps de lecture : 4 minute(s) - Par C Courvoisier | Mis à jour le 13-10-2023 18:23:00 | Publié le 11-03-2021 15:30  Photo : Shutterstock  
Lyon et Rennes votent un « budget genré » : qu'est-ce que c'est ?

Lyon, première ville de plus de 500.000 habitants à adopter un budget genré

Les municipalités de Lyon (EELV) et de Rennes (PS) ont décidé de revoir leur façon d'orienter leurs dépenses publiques, en déployant un « budget genré ». L'objectif déclaré est d'évaluer l'impact de chaque dépense en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, puis de le rééquilibrer si nécessaire. Autrement dit, faire en sorte que l'argent public bénéficie autant aux hommes qu'aux femmes.

D'autres villes comme Ivry-sur-Seine, Brest, Montreuil ou Grenoble ont déjà mis en place ces « budgets sensibles au genre », mais uniquement pour des dépenses précises comme celle relevant du sport ou de la culture.

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Le but du « budget genré » : analyser les dépenses publiques sous le prisme de l'égalité des sexes

Le « budget sensible au genre », ou « gender budgeting », n'a pas pour objectif d'établir un budget différent entre les femmes et les hommes. L'idée consiste plutôt à adapter les dépenses publiques lorsque celles-ci ont des impacts déséquilibrés en fonction du genre.

L'exemple fréquemment pris est celui du financement public du sport. Selon le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, « Des études démontrent, par exemple, que les financements alloués aux sports majoritairement pratiqués par les hommes sont supérieurs à ceux pratiqués majoritairement par les femmes. »

Le « budget genré » cherche donc à analyser chaque ligne de dépenses publiques, afin d'identifier si celles-ci sont plus favorables à l'un ou l'autre des deux sexes, puis de rééquilibrer le budget si besoin pour favoriser une meilleure égalité.

Exemple grandeur nature à Bordeaux où en 2011, l'offre municipale d'activité estivale « Sport sur les quais » était fréquenté par 80% des garçons. Après un état des lieux, la ville a décidé d'adapter le dispositif en ajoutant des activités plus appréciées par les femmes, comme la gym. « À l'été 2019, on était à 52 % de pratiques féminines contre 20 % il y a 8 ans », a expliquait à ritimo.org le géographe Yves Raibaud, qui a travaillé avec la municipalité.




Le budget sensible au genre est encouragé au niveau mondial et déjà adopté par plusieurs pays

Le « budget genré » n'est pas une idée propre à un parti ou une sensibilité politique. Il s'agit d'une méthode de définition des budgets publiques qui a pour but de tendre vers l'égalité entre les hommes et les femmes. Un objectif que se sont fixées un grand nombre d'institutions mondiales et de pays.

L'idée d'un « gender budgeting » a été lancée pour la première fois en Australie en 1984. En 1997, le concept a été développé par les Nations Unies. Cette approche est aujourd'hui aussi encouragée par le Fonds Monétaire International (FMI) ou par la Banque Mondiale du Développement.

Selon un rapport de l'OCDE daté de 2017, 15 pays membres avaient déjà introduit le « gender budgeting » dans leurs politiques publiques en 2016, parmi lesquels l'Autriche, la Belgique, la Finlande, l'Islande, Israël, le Japon, la Corée du Sud, le Mexique, les Pays-Bas, la Norvège et l'Espagne. L'Italie prévoyait de l'introduire et la Turquie et la République Tchèque disaient y réfléchir sérieusement.

En Europe, l'égalité entre les hommes et les femmes est l'un des principes fondamentaux du droit communautaire (article 2 du traité sur l'Union européenne). Le Parlement européen a ainsi adopté, dès 2003, une résolution invitant les États membres à adopter le « gender budgeting », et à « analyser les répercussions des politiques de réformes macroéconomiques et économiques sur l'homme et sur la femme ainsi que la mise en oeuvre de stratégies (...) visant à parer aux déséquilibres de genre ».

En France, l'article 61 de la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes de 2014 prévoit que les communes de plus de 20.000 habitants, les conseils départementaux et les conseils régionaux élaborent un rapport sur l'égalité entre les hommes et les femmes préalablement aux débats sur le projet de budget. Mais le « budget sensible au genre » reste encore une rareté, malgré l'appel du Haut Conseil à l'égalité pour « faire de l'égalité femmes-hommes une règle d'or des décisions budgétaires ». Son adoption par de grandes villes comme Lyon ou Rennes pourrait contribuer à le démocratiser.



Le « budget sensible au genre » soulève des débats politiques

Si l'objectif ultime d'aboutir à l'égalité entre les femmes et les hommes ne semble pas être un sujet politique de discorde, ce sont les modes d'application du « budget genré », eux-mêmes conséquence de décisions politiques, qui font débat.

Exemple à Rennes, où le « gender budgeting » pourrait faire son entrée à l'école. L'objectif de la municipalité est de créer des cours de récréation « non-genrées », afin que les filles et les garçons jouent davantage ensemble. « Pour cela, » explique Nadège Noisette, élue écologiste et adjointe au maire déléguée aux finances, au Figaro, « il faut débitumer et végétaliser les espaces récréatifs, afin d'en finir avec le terrain de foot monopolisé par les garçons pendant que les filles restent discuter tout autour ».

Cette proposition provoque une levée de bouclier à droite. Valérie Boyer, sénatrice LR et membre de la délégation aux droits des femmes du sénat, explique au journal : « On ne peut pas se plaindre ensuite que les filles ne fassent pas de sport, si on enlève les terrains de jeu des cours de récréation pour y planter des arbres à la place. Une politique vraiment ambitieuse, ce serait plutôt de proposer aux filles de jouer au foot avec les garçons ! ».

La grille de lecture et la traduction politique du « budget sensible au genre », qui a d'ailleurs fait l'objet d'un guide, diffère évidemment selon celui qui s'en empare. A ce jour, les municipalités qui se sont saisies de ce sujet sont, en grande majorité, écologistes ou socialistes. L'outil étant tout aussi important que ce que l'on en fait, l'adoption d'un budget genré par des élus de droite aurait des orientations pratiques différentes.



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