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L’action Kering sous pression : réorganisation stratégique dans un marché exigeant

La trajectoire boursière de Kering sur les douze derniers mois illustre la profondeur des doutes qui entourent encore sa transformation : le titre a perdu 44,5 % sur un an, quand le secteur recule de 13,7 % et que le STOXX600 progresse de 6 %. Malgré une timide reprise technique, la valorisation reste dégradée, et les révisions bénéficiaires poursuivent leur trajectoire baissière. La publication du chiffre d'affaires du premier trimestre 2025, en baisse de 14 %, a ravivé les inquiétudes sur la capacité du groupe à restaurer sa dynamique. Entre nouvelle direction, remaniement artistique chez Gucci et montée en puissance de Kering Beauté, l'investisseur s'interroge : assiste-t-on à une traversée du désert passagère ou à une remise en cause plus profonde du modèle ?

L’action Kering sous pression : réorganisation stratégique dans un marché exigeant
Temps de lecture : 5 minute(s) - Par | Mis à jour le 25-06-2025 09:10 | Publié le 25-06-2025 08:58

Réorganisation de la direction à juin 2025

En juin, Kering a franchi une étape décisive dans la transformation de sa gouvernance, annonçant la nomination de Luca de Meo au poste de Directeur général du groupe, en partance de la direction générale du groupe Renault. Cette réorganisation, approuvée par le Conseil d’administration sous la présidence de François-Henri Pinault, acte la dissociation des fonctions de Président et de Directeur général, alignant ainsi Kering sur les meilleures pratiques des grandes entreprises cotées.

François-Henri Pinault, qui occupait la double casquette de PDG depuis 2005, conserve la présidence du Conseil d’administration, tandis que Luca de Meo prendra ses fonctions exécutives à compter du 15 septembre 2025, sous réserve de l’approbation de l’Assemblée générale convoquée le 9 septembre. Ce choix stratégique vise à renforcer le pilotage du groupe dans une phase de transition complexe, marquée par la nécessité de restaurer la dynamique opérationnelle et d’ouvrir un nouveau chapitre de développement. Mais cela suffira-t-il à rassurer les marchés et à faire rebondir les ventes ?

Un recul marqué des ventes, reflet d’une perte d’élan sectorielle et interne

L’activité du premier trimestre 2025 reflète les secousses que traverse l’ensemble du portefeuille de marques de Kering. Le chiffre d’affaires ressort à 3,88 milliards d’euros, en repli de 14 % tant en données publiées qu’en comparable. Le recul est particulièrement marqué dans le réseau en propre (-16 %), notamment en Asie-Pacifique (-25 %), où le trafic reste faible. L’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord et le Japon affichent également des reculs à deux chiffres. Ce ralentissement s’inscrit dans une dynamique déjà perceptible au second semestre 2024, mais dont l’ampleur actuelle inquiète.

Gucci, la marque phare du groupe, voit ses ventes chuter de 25 % en comparable, avec une contraction équivalente en retail et un repli de 33 % en Wholesale. Cette contre-performance souligne les limites du repositionnement entamé fin 2023. Si la nouvelle ligne Softbit connaît un bon accueil, elle ne suffit pas à compenser l’érosion d’ensemble. Le changement de direction artistique – départ de Sabato De Sarno, arrivée de Demna prévue pour juillet – témoigne de l’urgence stratégique.

Yves Saint Laurent résiste mieux, avec un recul limité à 9 % en comparable, porté par la robustesse des marchés américain et moyen-oriental. Bottega Veneta crée la surprise avec une croissance de 4 %, preuve qu’un positionnement plus discret mais culturellement ancré peut porter ses fruits. Quant aux Autres Maisons (Balenciaga, McQueen, Brioni, Joaillerie), elles enregistrent un repli global de 11 %, malgré quelques signaux positifs (croissance de Brioni et Qeelin).

Le segment Kering Eyewear et Beauté, en hausse de 4 %, tire parti d’une dynamique équilibrée entre optique et parfums féminins (notamment via Creed), mais reste encore marginal dans le poids du groupe.

Sur le plan structurel, Kering poursuit la rationalisation de son empreinte commerciale, avec une réduction nette de 25 boutiques au T1. À cela s’ajoutent des opérations capitalistiques : création d’une joint-venture immobilière avec Ardian (837 millions d’euros de cash perçu pour 60 % des actifs concernés), et cession de « The Mall Luxury Outlets » pour 350 millions d’euros. Deux mouvements cohérents avec l’objectif de se recentrer sur un parc sélectif d’actifs stratégiques.

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Un repositionnement en marche, mais encore invisible dans les comptes

Si la restructuration est amorcée, elle ne porte pas encore ses fruits au plan financier. Sur l’exercice 2024, les revenus annuels ont reculé de 12 % à 17,2 milliards d’euros. Le résultat d’exploitation chute de 45 %, à 2,55 milliards, faisant ressortir une marge opérationnelle réduite à 15 %, contre 24 % deux ans plus tôt. Le bénéfice net s’effondre à 1,13 milliard d’euros, contre 2,98 milliards l’année précédente.

Cette contraction s’explique autant par la pression sur les ventes que par l’évolution du mix produit et les ajustements internes. La baisse des revenus est amplifiée par le recul de la marge brute (56 % contre 61 % en 2023), malgré une bonne tenue du coût de production relatif. Les frais généraux, eux, restent élevés (7,11 milliards), attestant du poids structurel des dépenses dans une période de transition.

Les ratios de rentabilité en pâtissent : le ROE chute à 8 %, contre une moyenne historique de 19 %, et la marge EBIT passe de 23 % à 13 %, traduisant une baisse de la productivité économique. Cette détérioration reste toutefois partiellement amortie par la robustesse des capitaux propres (14,9 milliards) et une dette long terme relativement maîtrisée (15,6 milliards).

Les flux de trésorerie se contractent également : le ratio de cash-flow sur chiffre d’affaires est tombé à 18,9 %, contre 24,6 % en 2023. La solidité financière du groupe n’est pas menacée, mais la dynamique de génération de valeur reste sous tension.

Le dividende de 4 euros par action, représentant un taux de rendement de 2,5 %, demeure couvert par les résultats (46,2 % du bénéfice estimé), mais ne constitue plus un argument de soutien significatif à ce stade du cycle.




Un titre sous-évalué mais vulnérable aux mouvements de marché

L’évaluation du titre Kering révèle une situation paradoxale : sur le papier, l’action est sous-évaluée, mais sa trajectoire boursière reste pénalisée par une perception négative. Le PER estimé à long terme est de 18,4, en ligne avec le secteur (17), mais supérieur à sa médiane historique (15). Rapportée à une croissance bénéficiaire anticipée de 16 % par an, la valorisation semble théoriquement attractive.

Le ratio valeur comptable / prix atteint désormais 51 %, un niveau en hausse par rapport à sa moyenne de 27 %, indiquant une décote sur les actifs nets. De même, les capitaux propres représentent 34 % du total du bilan, contre une moyenne sectorielle de 44 %, signe d’une structure plus capitalistique.

La sensibilité de l’action, en revanche, demeure un point de vigilance majeur. Le beta traduit une forte volatilité relative, et l’analyse comportementale montre que le titre tend à amplifier les baisses de marché. Pire encore, en cas de mauvaise nouvelle spécifique en environnement haussier, l’action peut s’écarter par rapport au marché, tandis que le titre reste particulièrement vulnérable aux chocs.

La tendance technique reste fragile. L’objectif de cours moyen ressort entre 161 et 185 € euros selon les analystes, marquant des divergences de points de vue qui invitent à la prudence.



Dans un portefeuille, une valeur contrariante en attente de signaux tangibles

Le cas Kering illustre un dilemme classique de l’investissement value en environnement incertain. Le groupe dispose d’un portefeuille de marques prestigieuses, d’un savoir-faire consolidé et d’une capacité de restructuration éprouvée. Il mène un repositionnement actif – ventes d’actifs non stratégiques, renouvellement artistique, montée en puissance de Bottega Veneta et Kering Beauté – qui pourrait porter ses fruits à moyen terme.

Mais ces signaux stratégiques restent à confirmer par une reprise des ventes, une stabilisation des marges et une visibilité accrue sur les relais de croissance. À ce stade, la dégradation des résultats, l’intensité de la concurrence dans le luxe, et la sensibilité boursière du titre limitent son attractivité immédiate pour un investisseur prudent.

Dans un portefeuille diversifié, Kering pourrait trouver sa place en tant que valeur contrariante, surpondérée dans une optique de retournement stratégique. Elle s’adresse alors aux investisseurs prêts à tolérer une forte volatilité en échange d’un potentiel de revalorisation sur 18 à 24 mois. À l’inverse, dans une approche plus défensive, mieux vaut attendre des signes tangibles de redressement – au niveau de Gucci notamment – avant de renforcer une position.

À ce stade, le titre conserve un potentiel fondamental, mais la route vers une normalisation sera sinueuse. Pour l’investisseur averti, Kering impose une double exigence : patience et sélectivité.

Les informations présentées dans cet article sont fournies à titre purement indicatif et ne constituent en aucun cas une recommandation d’investissement, une incitation à acheter ou vendre un actif financier, ni un conseil en placement. Le lecteur est invité à réaliser ses propres recherches avant toute décision. Les investissements en bourse comportent des risques, notamment de perte en capital. La performance passée d’un actif ou d’un marché ne présage en rien de ses performances futures. Toute décision d’investissement doit être prise en tenant compte de votre situation financière personnelle, de vos objectifs et de votre tolérance au risque.

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