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Dernière mise à jour : 30/04/2025 - 17h37
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260 milliards d’euros pour les GAFAM : l’addition salée de la dépendance européenne

Une étude du cabinet Asterès pour le Cigref lève le voile sur un transfert massif de valeur vers les États-Unis : chaque année, les entreprises européennes achètent pour 264 milliards d'euros de services cloud et logiciels fournis par les GAFAM. Une dépendance stratégique qui soutient 1,9 million d'emplois outre-Atlantique, au détriment de l'autonomie technologique et économique du Vieux Continent.

260 milliards d’euros pour les GAFAM : l’addition salée de la dépendance européenne
Temps de lecture : 3 minute(s) - Par | Mis à jour le 30-04-2025 13:10 | Publié le 30-04-2025 13:04 Photo : Shutterstock 

Un transfert massif de valeur depuis l'Europe vers les États-Unis

La domination des géants américains dans le numérique n’est pas une découverte. Mais l’ampleur du phénomène, chiffrée par l’étude d'Asterès commandée par le Cigref, surprend quand même. En croisant les données macroéconomiques disponibles avec des entretiens menés auprès de six CIO de grandes entreprises françaises, les auteurs évaluent à 264 milliards d’euros le montant annuel des services cloud et logiciels achetés par les entreprises de l’Union européenne à des fournisseurs américains.

Ces dépenses représentent environ 2,2 % du chiffre d’affaires des grandes entreprises européennes, et 83 % de cette somme bénéficie à des acteurs américains, en particulier Amazon, Microsoft et Google. En France, cela représente 54 milliards d’euros par an. Le poids économique est tel qu’Asterès n’hésite pas à comparer cette facture numérique à la facture énergétique de l’Union européenne (360 milliards d’euros en 2024). Dans les deux cas, le résultat est un déficit structurel qui pèse sur la souveraineté du continent.

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Une balance de paiements numérique qui dope l'emploi américain

Loin de se limiter à un déséquilibre commercial, ce flux financier nourrit directement l’économie américaine. En tenant compte des effets directs, indirects et induits — notamment la consommation des salariés — l’étude estime que ces achats européens soutiennent près de 1,9 million d’emplois aux États-Unis. À l’échelle macroéconomique, l’empreinte de ces dépenses représente 1,2 % de l’emploi et 1,1 % du PIB américain.

À l’inverse, Asterès a modélisé trois scénarios de relocalisation partielle de ces services numériques. Une réorientation de 5 % des dépenses permettrait déjà de créer 178 000 emplois dans l’Union européenne. En 2030, capter 10 % de ces flux générerait 331 000 emplois, et 15 % d’ici 2035 en feraient émerger 463 000. À la clé : 75 milliards d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires et 16 milliards d’euros de recettes publiques. Le message est clair : l’autonomie numérique n’est pas qu’un enjeu de souveraineté, c’est aussi un levier de croissance interne.


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Une souveraineté technologique encore théorique

Les dirigeants d’entreprise ne sont pas aveugles face à cette dépendance. Selon l’étude, 78 % d’entre eux reconnaissent l’importance de solutions technologiques européennes. Pourtant, ils ne sont que 32 % à intégrer la souveraineté numérique dans leurs critères d’achat. Ce décalage illustre l’écart entre les intentions affichées et les décisions opérationnelles, souvent contraintes par des critères de coût, de performance ou d’intégration.

Le paradoxe est que l’Europe ne manque pas de compétences, ni même d’initiatives industrielles. Mais les offres alternatives, souvent fragmentées ou en retard en matière de scalabilité, peinent à concurrencer les solutions intégrées des acteurs américains. Et sans volonté politique forte ni incitations fiscales claires, les fournisseurs européens resteront cantonnés à des parts de marché marginales.



Des enjeux économiques... mais aussi géopolitiques

Si le cloud et les logiciels sont devenus les infrastructures critiques du XXIe siècle, alors la dépendance européenne aux technologies américaines représente une vulnérabilité stratégique majeure. L’étude Asterès le souligne : en cas de tension géopolitique, les États-Unis pourraient théoriquement exercer des pressions commerciales via un accès restreint aux services numériques. L’hypothèse n’est plus purement théorique : les débats sur l’extraterritorialité du droit américain ou les sanctions technologiques contre certains États en témoignent.

Dans ce contexte, l’autonomie numérique ne peut plus être abordée uniquement sous l’angle industriel. Elle suppose une convergence entre la politique de défense, la politique industrielle et les stratégies d’investissement. Y compris au niveau des critères ESG, qui aujourd’hui ne favorisent pas toujours les acteurs européens face à leurs concurrents mieux capitalisés.

Chaque année, l’Europe finance la compétitivité numérique des États-Unis. L’étude d’Asterès apporte des indices sur l'existence d'un déficit structurel invisible, mais réel. À l’heure où les souverainetés énergétique, alimentaire et militaire sont remises au centre du débat, la souveraineté numérique reste trop souvent un mot creux. Pourtant, l’enjeu n’est pas de battre Amazon ou Google sur leur terrain. Il est de créer les conditions économiques, réglementaires et fiscales pour que des champions européens puissent exister — et capter une part de la valeur qu’ils contribuent déjà à créer.

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