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Financement des ETI cotées : des contraintes toujours plus lourdes



En France, les possibilités de développement et de survie des ETI innovantes cotées sont limitées, en partie à cause de la confusion autour des financements alternatifs. Les fonds qui opèrent sur ce marché et les différents outils (OCABSA, Equity Lines, PACEO, …) qu'ils proposent sont souvent présentés sans distinguer les avantages et inconvénients propres à chacun. Finalement, ce sont les sociétés en manque de moyens financiers qui en paient le prix.


Temps de lecture : 5 minute(s) - | Mis à jour le 26-04-2024 10:12 | Publié le 26-04-2024 09:57  Photo : Shutterstock  
Financement des ETI cotées : des contraintes toujours plus lourdes

Le constat est sans appel : au troisième trimestre 2023, les défaillances d'entreprises ont augmenté de 23% par rapport à la même période de l'année précédente, avec au total près de 11.000 sociétés sur le carreau. C'est le cabinet d’études Altares qui dresse ce bilan bien peu reluisant, et très inquiétant, puisqu'il indique une morosité sans équivalent depuis 2018, c'est-à-dire avant la crise du Covid 19. Le rebond postpandémique tant espéré semble donc retomber comme un soufflet, et les PME cotées sont parmi les plus touchées ; ce ralentissement se traduit en effet en bourse par une chute de 27% du cours de bourse des smallcaps au cours des deux dernières années, comme le souligne le rapport d’Altares. Car en plus de subir les effets de la conjoncture (hausse du prix de l'énergie et des matières premières, difficultés d'approvisionnement liées aux conflits internationaux, ...), ces sociétés innovantes pâtissent de la difficulté à trouver les financements nécessaires à leur développement, dans une phase de croissance où le besoin de liquidités est pourtant essentiel.


Et ce sont ces difficultés qui justifient généralement le recours à des modes de financements alternatifs, comme les OCABSA (obligations convertibles en actions avec bons de souscription d’actions) ou Equity Lines/PACEO (programme d'augmentation de capital par exercice d'options) : l'option des OCABSA permet à ces entreprises cotées d'obtenir de l'argent frais en fonction du timing souhaité par leurs dirigeants, alors que le PACEO s'apparente au fonctionnement des lignes de crédit, le dirigeant recourant à sa guise au programme pour renflouer sa trésorerie. Cependant, cette liberté est accompagnée d’une incertitude majeure, puisque dans le cadre du PACEO, c’est le cours de l’action qui détermine le montant alloué. Revers de la médaille : ces solutions financières comportent des risques, « notamment le caractère potentiellement hautement dilutif » de la valeur des actions à court terme, prévient l'AMF. Le gendarme de la bourse oublie cependant de préciser que ces produits ne sont pas structurés de la même manière, et que ni les marchés ni les banques ne leur proposent des alternatives.

Ainsi, dans le cas des Equity Lines/PACEO, le fonds s'engage à participer à de petites augmentations de capital successives dans le cadre d'un nombre d’actions prédéfini. Cela ne peut donc concerner que des opérations d'envergure relativement réduite. Les fonds qui structurent des OCABSA, en revanche, mettent à disposition des sommes qui peuvent représenter plusieurs fois la capitalisation boursière de la société, en garantissant dès le départ l'obtention de fonds en fonction du besoin exprimé par leurs dirigeants ; ce qui s'avérerait plus incertain dans le cadre d'une augmentation de capital ou via un PACEO. D'où une dilution possiblement plus forte lors des émissions d'obligations convertibles, mais pour un impact sur le cash-flow de l’entreprise bien supérieur.

« Il est dommage que l'AMF ait ouvert la porte à un amalgame entre les Paceo et les Ocabsa », confirme Thierry du Boislouveau, président de Vester Finance, société basée en Suisse et spécialisée dans les PACEO. De fait, ce sont plutôt des entreprises cotées avec d’importants besoins de financement qui ont recours aux OCABSA. Et c'est là l'une des grandes différences que rappelle Laurent Beauvoit, avocat associé chez Lexelians : les entreprises qui recourent aux OCABSA n'ont généralement pas d'autre choix que de faire appel à cette solution de finance alternative... ou périr : « Il ne faut pas oublier que plusieurs sociétés cotées ont évité la faillite grâce à cet outil ».

Cette capacité à mobiliser rapidement d'importants moyens financiers s'explique aussi parce que, lors d'une capitalisation par OCABSA, plusieurs lignes de financement peuvent être combinées, au lieu d’une pour les PACEO, avec des sommes très différentes à la clé.

C'est pourquoi les PACEO s'adressent généralement à des sociétés plus « matures », qui peuvent donc trouver d'autres solutions de financement, pour des enjeux moins stratégiques : « Je ne finance que des montants qui correspondent à 15 % à 20 % en moyenne de la capitalisation boursière », reconnaît ainsi Thierry du Boislouveau.
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Ne pas confondre causes et conséquences

Au-delà des mises en garde de l'AMF, la confusion concernant ces solutions financières alternatives vient également de la tendance à confondre les causes et les conséquences des problèmes, comme l'explique Dominique Ceolin, PDG d’ABC Arbitrage : « Souvent, ces produits financiers sont utilisés de manière défensive car l’entreprise est en difficulté ; le problème a donc eu lieu en amont. L’entreprise rencontre des problèmes financiers graves sans trouver de solutions de financement traditionnelles : la seule solution qui lui reste peut alors être des produits de type OCABSA (...). Il est évident que plus la société est en bonne santé, plus ses choix sont larges et plus elle pourra mener ces opérations dans de très bonnes conditions. » En d'autres termes : la disparition de cette option de financement alternatif laisserait un grand nombre d'entreprises sans possibilités de recours.

Les perspectives seraient encore pires pour les entreprises de la tech, dont la croissance est tirée par les succès de leur R&D. Pour que celle-ci aboutisse dans la durée, il faut des financements importants pour mener les expérimentations à leur terme. Les financements alternatifs sont des leviers de croissance uniques pour ces sociétés innovantes. Surtout dans un contexte de contraction des marchés financiers depuis une dizaine d’années, en France comme dans le monde. « Cette attrition de longue durée entraîne un cercle vicieux qui se met en place sur la liquidité », poursuit Dominique Ceolin : « Les investisseurs qui achètent veulent pouvoir ressortir un jour. S’il y a moins de liquidités, ils doutent de leur capacité de revente et auront donc tendance à être moins acheteurs. Et s’ils sont moins acheteurs, les entreprises trouveront moins facilement des financements en bourse. Les investisseurs auront donc moins d’offres et vont se désintéresser de ce segment. Tant que nous ne sortirons pas de ce cercle vicieux, cela aura un effet dégénératif ».

Car, comme le souligne Laurent Beauvoit, « les sociétés qui recourent à ces financements n’ont, le plus souvent, plus accès au crédit bancaire du fait de leur situation financière dégradée, et une offre au public ou un placement privé serait compliqué et au mieux affecté d’une décote très significative ».


Moins réglementer pour réindustrialiser


Alan Allman Associates, un écosystème de cabinets de conseil à l’international, a mis en place il y a deux ans un mode de financement obligataire pour un montant maximum d’un million d’euros, en collaboration avec le hedge fund Negma, spécialisé dans ce type d'opérations. Cet outil de liquidité a non seulement permis de consolider les positions d'Alan Allman Associates en France, mais aussi d'asseoir un développement international qui se traduit aujourd'hui par l'acquisition de Winning consulting. À travers ce rachat, le groupe français s’implante dans la péninsule ibérique, devenue un hub pour les start-ups et les entreprises technologiques. « Cette acquisition témoigne aussi de notre engagement envers l'innovation, l'excellence et notre vision commune d'un avenir prospère pour nos clients et notre écosystème », commente Jean-Marie Thual, PDG d'Alan Allman Associates.

Il n'empêche : les family offices et hedge funds risquent de se montrer plus frileux sur un marché français et européen également miné par un excès de réglementations : 502 obligations et 3 670 pages de réglementations financières fixant le cadre opérationnel des entreprises ont été publiées par l'UE depuis 2017 ! « On court tout droit à la catastrophe », prévient l’ancien patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, qui ajoute que cette inflation des normes législatives est jugée « nocive, coûteuse et préjudiciable au développement des entreprises ».

D'ailleurs, les conséquences de ces difficultés de financement se font déjà sentir, rappelle Dominique Ceolin : « Beaucoup de biotech sont parties outre-Atlantique parce qu’elles n’ont pas trouvé les investisseurs ou la valorisation souhaitée en France. C’est le cas de Moderna avec son vaccin à ARN messager ». Le laboratoire s'est installé en 2013 aux États-Unis et a été introduit sur le NASDAQ en 2018, avec le succès que l'on sait. De quoi nourrir des regrets alors que les politiques de réindustrialisation apparaissent stratégiques en France et en Europe.



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