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L'un a fondé Aircall, l'une des rares licornes françaises, l'autre le Chinese Business Club, un réseau d'affaires fréquenté par des décideurs de haut vol. Les deux hommes ont la réussite pour point commun, celle forgée par la détermination, la persévérance et une certaine culture de réseau. Entretien croisé.
Dans l’ambiance feutrée de l’Intercontinental Opéra, Jonathan Anguelov prend la parole en tant qu’invité d’honneur du Chinese Business Club. Près de 300 personnes, dont de grands noms du monde économique et de la culture, l’écoutent attentivement. À quelques pas de la tribune, Harold Parisot, le fondateur de ce réseau d’affaires, suit son discours avec une attention soutenue. Quelques minutes plus tôt, les deux hommes me confiaient leurs parcours.Enfant de la DDASS, Jonathan Anguelov a provoqué son destin. N’ayant « rien à perdre », il enchaîne les petits boulots pour financer son école de commerce. La fibre entrepreneuriale vibre déjà en lui : avec des prêts étudiants, il finance des chambres sous les toits parisiens… C’est finalement la location de ce patrimoine naissant qui lui paiera ses études. Son coup de maître, il le joue en 2014 - à seulement 28 ans - avec la création de Aircall. La start-up de téléphonie dans le cloud deviendra en 7 ans l’une des rares licornes « made in France », valorisée plus d’un milliard de dollars et promise au Nasdaq.Issu d’un milieu plus favorisé, Harold Parisot quitte un poste de salarié pour se lancer dans l’entrepreneuriat en 2010. Au fil des rencontres, l’idée de créer un réseau rapprochant les décideurs français et chinois devient une évidence. Les premières années sont difficiles, mais il s’accroche. En 2015, à force d’insister auprès du standard du ministère de l’Économie et des Finances, il réussit à décrocher la venue d’un jeune ministre. L’intervention d’Emmanuel Macron à la tribune attire l’attention de la presse, et le Chinese Business Club décolle.Interview.
Caroline Courvoisier. - Ce qui semble vous caractériser tous les deux, c'est une grande ambition et le fait de vouloir « forcer son destin » ou « provoquer sa chance » selon vos mots. Qu’est-ce que cela signifie au regard de vos expériences ?Jonathan Anguelov. – Qu’il faut se battre tous les jours pour changer son destin. Je n'étais pas destiné à créer Aircall, une boîte qui fait presque 200 millions d'euros de chiffre d'affaires. Je n'ai pas de parents, j'ai grandi à l'aide sociale à l'enfance. Je ne me considère pas plus intelligent que les autres, j'étais même plutôt moyen à l’école. Quand je disais que je voulais être avocat ou entrepreneur, en général ça faisait rire… Toute ma vie, on m'a dit que je n'y arriverai pas. À 18 ans, je travaillais à mi-temps comme serveur, caissier, livreur de journaux… Quand j'ai commencé à acheter des chambres de bonne avec des prêts étudiants, personne ne comprenait ma logique. Je me suis lancé un peu sans réfléchir, mais aussi parce que je n’avais pas le choix : mon seul objectif, c’était de pouvoir subvenir à mes besoins. Puis je me suis rendu compte que j'avançais plus vite que mes camarades d'école. J’en ai conclu qu’il fallait que je n’écoute que moi. S’écouter, c'est une manière de créer son destin, c'est se dire, « OK, j'ai envie de faire quelque chose, je le fais sans me poser trop de questions, et je change tout ». Harold Parisot. - J'ai un profil un peu différent de Jonathan : j'ai eu la chance de naître dans un environnement privilégié, même si mes parents ne m’ont pas donné d’argent pour démarrer car ce principe faisait partie de leur éducation. J'étais très content en tant que salarié et un jour, j'ai eu le déclic entrepreneurial. Je me suis mis à mon compte : une aventure sans parachute, parce que je n’avais pas le droit à l’erreur. Je faisais de la transaction immobilière, un milieu difficile car les revenus ne sont pas récurrents. Je travaillais notamment avec des investisseurs étrangers qui recherchaient des biens « off-market ». En discutant, je me suis rendu compte qu’ils voulaient souvent rencontrer des patrons ou des journalistes français, qu’ils cherchaient des marques à vendre... J’y ai vu l’opportunité de faire des mises en relation. C'est comme ça qu'est né le Chinese Business Club en 2012. Les trois premières années ont été vraiment compliquées à tout point de vue, parce que je n'avais ni les contacts, ni l’argent. Mais j'étais convaincu que ça marcherait un jour. En 2015, la venue d’Emmanuel Macron a mis un énorme coup de projecteur sur le club. Pour l’avoir, je suis passé par le standard de son ministère. Pendant 3 semaines, j’ai dû avoir une dizaine d’interlocuteurs différents. Et puis un jour, j’ai reçu un appel masqué de son cabinet me disant qu’il était d’accord pour venir. C’était le 15 juin 2015, et il y a clairement eu un « avant » et un « après ». Voilà un exemple de ce qu’est « provoquer sa chance ».
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CC. - Jonathan, vous avez réussi à lever plus de 200 millions de dollars, jusqu'à propulser Aircall au statut de licorne. Harold, vous avez convaincu des poids lourds du monde économique, politique, artistique d’intégrer votre club. Développer un bon réseau, c’est important dans la réussite ?Jonathan Anguelov. - C'est mon avis. Évidemment, avec un très bon produit, on peut faire quelque chose de super. Mais tout ne repose pas là-dessus. Il faut être très bon commercialement, être capable de faire les bons partenariats et de taper aux bonnes portes. Dans le cas d'Aircall, on avait un produit révolutionnaire dont je suis très fier. Mais notre capacité à trouver les bons partenaires et à nous faire connaître a fait la différence face à d’autres qui proposaient des solutions alternatives. On était capable de parler avec Salesforce ou avec HubSpot, on faisait des conférences partout, et pourquoi ? Parce que les gens nous connaissaient. Le réseau, c'est parfois quelque chose de perçu négativement. On se dit que ce sont des gens qui se rassemblent et qui restent entre eux. Pour moi, c'est tisser des liens, comprendre et s'inspirer de ce que font les autres, voir comment on peut s'aider... mais avant tout, c’est s'apprécier et avoir des points communs. Au-delà des amis d’enfance que j’ai gardés, j’ai aujourd’hui des amis de 25 à 60 ans et plus, dans tous les milieux sociaux. Je pense que l’on peut apprendre de tout le monde. Si le seul et unique but des gens qui font du réseau est de venir dans un club, se poser, et essayer de serrer un maximum de mains pour repartir avec des contrats, ça va être un échec. Ce qui fonctionne, c'est de discuter, de se parler, de déjeuner ensemble et de voir comment on peut s'entraider. Harold Parisot. - Je suis complètement d'accord avec Jonathan. Il faut évidemment s'intéresser aux autres, donner pour éventuellement recevoir. Et c'est aussi vrai qu'il faut prendre du plaisir à développer son réseau et que tout ça se fasse naturellement. Sinon ça ne marche pas.
CC. – Le développement du réseau ne s’arrête donc pas avec la réussite...Jonathan Anguelov. – Non, évidemment ! Surtout que je viens de faire un gros « switch » en quittant ma société Aircall en fin d'année pour m’occuper de ma foncière. Je suis passé du monde de la tech, où tout le monde me connaît pour Aircall, à celui de l’immobilier où je suis presque inconnu. Il est important que les agents immobiliers et les brokers d'immeubles nous identifient. Je développe donc ce réseau de A à Z aujourd'hui, tout en créant des outils tech qui ne sont pas très répandus dans le secteur. J'essaye d’apporter un peu d'automatisation dans un métier qui reste très manuel.Harold Parisot. - Il y a aujourd'hui plein d'entrepreneurs qui cartonnent. Le message que je leur fais passer, c’est que si leur boîte marche bien, peut-être qu'avec un bon carnet d'adresses leur business se développerait de façon exponentielle. On dit souvent que le réseau, c'est un accélérateur et je le pense vraiment. Parce que quand vous êtes en contact avec des décideurs, vous ne perdez pas de temps. J'aime depuis toujours être en contact avec les autres et j'ai la chance d'avoir fait de ma passion mon métier. Le Chinese Business Club cartonne depuis 2015. Si en ce moment Chinois ne viennent plus beaucoup en France, mon objectif n'est pas de leur tourner le dos et de changer le nom du réseau. C’est au contraire l’occasion de l’ouvrir aux start-up, TPE, PME, etc. Aujourd’hui, Jonathan Anguelov est notre invité d’honneur et des profils complètement atypiques sont parmi nous : le Général Réty, patron du GIGN, Frédéric Mazzella fondateur de la licorne BlaBlaCar, Jacques Seguela, Philippe Douste-Blazy, Michèle Alliot-Marie, Pierre Hermé, Pascal Légitimus... Je pense que ce qui fait la vraie force d'un réseau, justement, c'est sa diversité.
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Ces entrepreneurs ont vraiment tout compris. La diversité dans un réseau, c'est ce qui permet d'avoir des perspectives différentes et d'innover vraiment. Une belle leçon pour tous ceux qui cherchent à se développer !
Intéressant comme approche, mais est-ce que quelqu'un ici a déjà vraiment bénéficié de cette « force du réseau » ? J'ai l'impression que c'est surtout valable pour ceux qui sont déjà bien connectés.
Il est hallucinant de voir comment ces entrepreneurs réussissent grâce à leurs réseaux. Est-ce que cela sous-entend que sans réseau, le succès est quasi impossible de nos jours ? C'est un peu décourageant pour les entrepreneurs en solo, non ?
Intéressant, mais comment font-ils pour maintenir cette diversité tout en gardant une cohérence dans leurs affaires? Est-ce que c’est grâce à des critères spécifiques ou à une sorte de management particulier?
Ça m'a toujours fasciné, cette notion de réseau et comment elle peut booster une carrière. Mais est-ce que tout le monde peut vraiment accéder à ces cercles, ou faut-il déjà avoir un pied dedans pour en profiter pleinement ?