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Créateur iconique, entrepreneur instinctif, investisseur éclairé : à 61 ans, Christian Louboutin redessine les contours de son empire avec la même liberté qu'à ses débuts. Hôtels confidentiels, projets artisanaux, partenariats stratégiques, nouvelles lignes et surprises à la prochaine Fashion Week : derrière la semelle rouge, une vision en mouvement, qui conjugue excellence et intuition. Article extrait du magazine print Idéal Investisseur n°5.
L’heure est au ralentissement du luxe et à la concentration du secteur ? Rester libre, est-ce le vrai luxe ?Pour moi, l’indépendance est fondamentale. Dès mes débuts en 1991 avec l’ouverture de ma première boutique à Paris, je voulais absolument que mes clients puissent entrer immédiatement dans un univers qui m'était propre, totalement sous mon contrôle créatif. Je souhaitais présenter mes souliers comme des bijoux dans un écrin. Bien sûr, rejoindre un grand groupe aurait pu faciliter certaines choses, mais cela ne correspondait pas du tout à mon besoin profond de liberté. J’ai toujours été très attaché à mon indépendance ; c'est elle qui m’inspire et me motive au quotidien.
Vous avez quand même choisi de vous adosser à Exor. En quoi ce partenaire est à contre-courant des grands groupes ?Exor est dirigé par la famille Agnelli, une famille qui partage véritablement mes valeurs entrepreneuriales. Ce que j’apprécie particulièrement dans ce partenariat, c’est l’esprit de fraternité qui nous unit. Chez Exor, tout se fait dans l’écoute, la concertation et non dans une hiérarchie stricte ou imposée. Ce partenariat me permet donc de préserver ma créativité, tout en développant la marque de manière harmonieuse et équilibrée. Ils n'interviennent pas dans les aspects créatifs, mais me soutiennent sur des décisions structurantes, comme le développement à l’international, ou encore le lancement de projets qui sortent du champ strict de la chaussure.
Qu’est-ce qu’un breton aux racines égyptiennes est venu faire au sud du Portugal, à Comporta, puis Mélides ?J’ai découvert Comporta dans les années 1980 grâce à un ami portugais vivant à New York, qui m’y a emmené avec une amie commune, Larissa. À l’époque, Comporta était un village quasi désert, avec quelques maisons dans le sable et un restaurant unique. La beauté sauvage du lieu, les dunes, la mer atlantique, m’ont tout de suite charmé. J’y suis retourné chaque été, d’abord en invité, puis en propriétaire. J’y possède maintenant 5 maisons.Mais avec le temps, Comporta s’est transformée : elle est devenue une destination internationale, fréquentée, mondaine. Cela ne correspondait plus à ma quête de tranquillité. C’est en explorant les alentours que j’ai découvert Mélides, plus rural, plus préservé. Loin des projecteurs, mais proche de la mer et de la nature, ce village avait tout ce que je recherchais : l’authenticité, la beauté simple et une lumière extraordinaire. C’est là que j’ai décidé d’installer mon nouvel ancrage portugais.Vermelho : un hôtel né d’un hasard ou d’un besoin d’intimité ?Le projet de l’hôtel Vermelho, c’est une histoire de hasard, ou presque. J’avais acheté une maison dans le village, et comme elle n’était pas idéale pour recevoir beaucoup d’amis, j’ai pensé ouvrir un petit restaurant à proximité. C’est en parlant avec le maire de Mélides que l’idée d’un hôtel est apparue. Il m’a dit qu’il manquait un lieu pour accueillir les visiteurs. J’ai accepté sur le champ, sans trop réfléchir, comme cela m’arrive souvent.Puis, en avançant, j’ai voulu créer quelque chose de très personnel. Je n’ai pas conçu Vermelho comme un hôtel classique, mais comme une grande maison vivante. Chaque chambre, chaque espace, raconte une histoire. J’ai choisi des objets d’art, des antiquités, des textiles du monde entier, pour donner une âme à chaque recoin. Le nom "Vermelho" – rouge en portugais – est évidemment un clin d’œil à la semelle de mes souliers, mais aussi une déclaration de passion.Qu’est-ce qui fait de Vermelho un hôtel à part ?Il ne ressemble à aucun autre hôtel. Le lieu, c’est une décoration éclectique mêlant influences portugaises, espagnoles, égyptiennes et françaises. On retrouve des fresques du peintre grec Konstantin Kakanias et des sculptures de l’Italien Giuseppe Ducrot. Chaque espace y est pensé comme une œuvre singulière.La collaboration avec Olivia Putman et son équipe a été précieuse : elle a compris mon désir de créer un lieu à contre-courant, où l’esthétique ne se soumet à aucune mode. L'hôtel comprend aussi un jardin, une piscine, des œuvres d'art contemporain, un mobilier sur mesure, et une équipe formée à offrir une hospitalité sincère et attentive.
Pourquoi avoir créé un restaurant qui porte votre prénom (écrit Xtian)?Au départ, c’était presque une blague ! Tellement de gens racontaient qu’ils avaient dîné « chez Christian » que j’ai eu envie de leur offrir un lieu réel où cette affirmation serait vraie. Mais au-delà du clin d’œil, j’ai voulu proposer une cuisine authentique, locale, portugaise, avec une touche d'élégance. C’est un prolongement naturel de l’hôtel : un lieu de plaisir, de rencontres, et de générosité.Un Vermelho peut-il en cacher un autre ?Il y a des projets, oui. Plusieurs propositions m’ont été faites dans d’autres régions du Portugal, mais aussi à l’étranger. Je suis ouvert, à condition de retrouver la même alchimie que pour Vermelho : un lieu, une lumière, une histoire. Je ne veux pas faire une chaîne. Chaque hôtel doit être un projet à part entière, un manifeste esthétique et affectif. Je veux que chaque lieu ait une âme, pas une charte.D’ailleurs, un deuxième hôtel Vermelho est en préparation, toujours à Mélides, à proximité de la lagune et de la plage. Il s’appellera Vermelho Lagoa. Ce projet m’est très cher car il reprend un bâtiment abandonné depuis près de quarante ans, que j’ai décidé de restaurer et de transformer en un lieu intime, avec seulement huit chambres. L’idée est d’y recréer une atmosphère paisible et raffinée, toujours dans cet esprit de maison d’amis, mais avec une attention encore plus poussée portée aux détails, à l’artisanat portugais et à l’environnement naturel exceptionnel du site. L’ouverture est prévue pour l’été 2026.
Vous aimez faire dialoguer les cultures : comment cela se traduit-il concrètement ?Je suis né métis et j’ai toujours été fasciné par la diversité. L’art Gandhara, le fado portugais, l’artisanat égyptien, les jardins anglais… tout m’inspire. Je suis pour l’appropriation culturelle, car elle est synonyme d’ouverture. Dans mes projets, cela se traduit par un mélange d’époques, de styles, de matériaux. C’est cette liberté-là qui me guide. Un hôtel, une chaussure, un jardin – ce sont des scènes pour faire dialoguer les cultures.De la chaussure aux colosses : qu’est-ce qui vous relie à l’archéologie ?J’ai soutenu pendant dix ans une mission archéologique en Égypte, autour des Colosses de Memnon. L’archéologie me passionne car elle interroge les racines. Creuser, retrouver des formes anciennes, c’est un peu ce que je fais dans mon travail de créateur. Il y a un lien entre le passé et le présent qui me fascine. Et c’est aussi un engagement désintéressé : aider à préserver le patrimoine mondial, c’est une façon d’être utile.Votre nom rime désormais avec pop culture : flatteur ou déconcertant ?Cela me fait sourire de voir mon nom cité dans la culture populaire, comme dans la chanson "Sapés comme jamais" de Maître Gims, ou encore dans les paroles de Cardi B ou les clips de Jennifer Lopez — c’est inattendu mais flatteur, car cela signifie que mes créations font partie de l’imaginaire collectif.Pour moi, popularité ne signifie pas une baisse de standards. Je suis fier que mes créations soient appréciées par un large public tout en restant accessibles et qualitatives. Et j’aime que mon nom vive dans la culture populaire – dans les chansons, les clips, les films – cela me touche beaucoup. À condition de toujours garder l’exigence.
Une exigence qui guide aussi vos investissements, comme celui dans Maison Gatti, l’icône du mobilier en rotin ?J’ai récemment rejoint le capital de Maison Gatti, une manufacture française fondée en 1920, célèbre pour ses créations en rotin tressé, notamment les chaises iconiques des terrasses parisiennes. Leur approche m’inspire car elle célèbre un artisanat vivant, transmis de génération en génération. Ce partenariat avec Alexis Dyèvre, dirigeant passionné, s’inscrit dans ma volonté de protéger et soutenir les savoir-faire français d’exception. Les chaises de Maison Gatti sont d’ailleurs présentes dans mes hôtels, notamment au Vermelho à Mélides, où elles contribuent à créer cette atmosphère chaleureuse, artisanale et intemporelle que je recherche. En rejoignant leur capital, je ne fais pas que financer : je m’implique dans leur visibilité, leur rayonnement international, et dans le respect des valeurs qui fondent leur travail.Du soulier aux tendances : quelle est votre dernière création phare ?L’année dernière, nous avons lancé MissZ, un nouvel escarpin 100mm appelé « icône en devenir », mis en lumière avec un show spectaculaire à la Piscine Molitor. Un modèle qui intègre notre toute nouvelle génération de semelle en caoutchouc rouge Everlasting Red. Contrairement à notre semelle rouge iconique qui s’usait avec le temps, elle est ultra résistante à l’abrasion, antidérapante, confortable et surtout : durable sans perte de couleur Ce modèle a très vite été adopté par les célébrités et les clientes fidèles. Il illustre ce que j’aime faire : combiner l’innovation, le savoir-faire, le confort et une forme d’audace artistique.Aujourd’hui, la répartition de nos ventes se fait à environ 80 % pour la femme et 20 % pour l’homme. Mais la ligne masculine se développe bien, notamment en Asie et au Moyen-Orient. C’est un territoire de création que j’aime beaucoup explorer, car il me permet d’exprimer un autre langage, plus graphique, souvent plus discret aussi.Je suis très vigilant quant à l’avenir de ma marque et à la manière dont mon image est utilisée. Chaque projet futur devra s’inscrire dans une démarche cohérente et passionnée, fidèle à ce que je suis. J’espère continuer à dessiner des chaussures, mais aussi à bâtir des lieux de vie, à inventer des expériences esthétiques, sensorielles. Tant que j’aurai de l’enthousiasme, je continuerai d’avancer. Sans me fixer de limite.Et d’ailleurs, je donne rendez-vous en septembre prochain, pendant la Fashion Week, pour une nouveauté qui, je l’espère, marquera les esprits. C’est un projet très spécial, que je porte depuis longtemps…
Une exigence qui guide aussi vos investissements, comme celui dans Maison Gatti, l’icône du mobilier en rotin ?J’ai récemment rejoint le capital de Maison Gatti, une manufacture française fondée en 1920, célèbre pour ses créations en rotin tressé. Leur approche m’inspire car elle célèbre un artisanat vivant. Ce partenariat avec Alexis Dyèvre, dirigeant passionné, s’inscrit dans ma volonté de soutenir les savoir-faire français. Les chaises de Maison Gatti sont d’ailleurs présentes dans mes hôtels. En rejoignant leur capital, je ne fais pas que financer : je m’implique dans leur visibilité, leur rayonnement international, et dans le respect des valeurs qui fondent leur travail.
Du soulier aux tendances : quelle est votre dernière création phare ?L’année dernière, nous avons lancé Miss Z, un escarpin 100mm doté de notre nouvelle semelle en caoutchouc rouge Everlasting Red. Ultra résistante, antidérapante, durable, elle a été vite adoptée. Ce modèle illustre ce que j’aime faire : innover avec savoir-faire et audace.La ligne masculine représente 20 % de nos ventes, en croissance surtout en Asie et au Moyen-Orient. J’aime explorer ce territoire plus discret et graphique.Je suis très vigilant quant à l’avenir de ma marque. J’espère continuer à dessiner des chaussures et bâtir des lieux de vie. Et je donne rendez-vous en septembre prochain, pendant la Fashion Week, pour une nouveauté très spéciale que je porte depuis longtemps.
➸ Vermelho, l'hôtel signature de Christian Louboutin
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