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À 214,55 dollars au 27 juin 2025, l’action Boeing affiche une hausse de +21,2 % depuis le 1er janvier et surperforme les indices de référence. Ce rebond reflète une amélioration opérationnelle réelle, avec une montée en cadence de la production commerciale et une résilience de la division Services. Mais les fragilités structurelles du groupe – dette élevée, réputation ternie, capitaux propres négatifs – restent préoccupantes. Le marché parie sur une normalisation progressive, mais le point d’équilibre reste encore à franchir. Décryptage complet.
Boeing a publié il y a quelques semaines ses résultats du 1er trimestre, qui témoignent d’un regain d’activité significatif. Le chiffre d’affaires a bondi de 18 % sur un an, à 19,5 milliards de dollars, porté par 130 livraisons d’avions commerciaux (contre 83 au T1 2024). Le résultat d’exploitation consolidé est repassé en territoire positif, à 461 M$, soit une marge opérationnelle de 2,4 %. Toutefois, ce chiffre masque des disparités importantes selon les divisions. La branche Commercial Airplanes reste déficitaire, avec une perte d’exploitation de 537 M$ et une marge négative de -6,6 %. En revanche, la division Global Services a dégagé un bénéfice opérationnel de 943 M$, avec une marge robuste de 18,6 %, et la Défense a généré un résultat positif de 155 M$. Ainsi, la rentabilité globale du groupe repose encore largement sur les activités de service et militaires. En net, Boeing affiche une perte de -31 M$, soit une perte par action GAAP de -0,16 $ et de -0,49 $ en données « core ». Le cash-flow d’exploitation reste négatif à -1,6 Md$, tandis que le free cash-flow ressort à -2,3 Mds$, en amélioration par rapport aux -3,9 Mds$ de l’an dernier.
Le redémarrage industriel est engagé. Le programme 737 MAX progresse vers un rythme de 38 appareils par mois d’ici fin 2025, le 787 reste stable à 5/mois et doit monter à 7, et la certification du 777X est en cours avec une première livraison prévue pour 2026. La reprise des cadences est cruciale pour rétablir la profitabilité du pôle aviation commerciale. La division Defense, Space & Security, bien que stable, constitue un pilier stratégique avec 6,3 Mds$ de CA et une marge de 2,5 %. Elle bénéficie de la commande du futur F-47 par l’US Air Force, en attente de contractualisation. Les Global Services, avec 5,1 Mds$ de CA, affichent une solidité remarquable et jouent un rôle d’amortisseur face aux pertes des autres segments. Cependant, Boeing reste plombé par les séquelles d’une série d’incidents qui ont affecté sa réputation. Le détachement d’un panneau de porte sur un 737 MAX début 2024 a conduit à une mise sous tutelle partielle par la FAA, une mesure sans précédent. Le groupe a été vivement critiqué pour ses failles de qualité et sa gouvernance. Le Salon du Bourget 2025, habituellement un moment phare pour Boeing, s’est transformé en désastre, après une série de dysfonctionnement en 2024 et le crash d'un Boeing 787 d'Air India quelques jours avant l'ouverture : absence de nouveaux modèles, annulations de commandes stratégiques et domination écrasante d’Airbus et de constructeurs asiatiques. Ce revers a renforcé les doutes sur la capacité de Boeing à rassurer clients, autorités et marchés.
Malgré l'amélioration de la performance opérationnelle, Boeing présente encore une situation bilancielle dégradée. Sa dette consolidée atteint 53,6 Mds$ pour 23,7 Mds$ de trésorerie, soit une dette nette d’environ 30 Mds$. Les capitaux propres restent négatifs, à -3,3 Mds$, bien qu’en amélioration. Le ROE reste abyssal (-302 % en 2024), et la marge d’EBIT était encore de -14 % sur l’ensemble de l’exercice 2024. Le ratio fonds propres / total des actifs est de -3 %, contre +43 % pour la moyenne sectorielle. La solvabilité demeure un sujet de préoccupation, et le groupe reste noté comme structurellement vulnérable. Boeing ne verse toujours pas de dividende, un élément de plus en défaveur de l’investissement long terme à profil défensif. Son redressement passera nécessairement par une recapitalisation ou une génération de cash durablement positive conditions encore non réunies à ce stade.
L’action Boeing a progressé de plus de 21 % en 2025, mieux que le S&P500 (+5 %) ou son secteur (+9,6 %). Elle cote désormais 214,55 $, proche de son sommet annuel. Son prix cible s'établit entre 220 et 243 $, soit un potentiel théorique de +14 % ; mais ce différentiel reflète les incertitudes encore fortes sur la capacité du groupe à rétablir ses fondamentaux sur la durée. Le PER long terme projeté atteint 31, bien supérieur à la moyenne sectorielle (20), ce qui traduit une anticipation forte d’un rebond des bénéfices. La croissance bénéficiaire attendue est de +120 % à horizon 2027, mais cet envol apparent s’explique en grande partie par un effet de base très bas, après plusieurs années de pertes. Techniquement, le titre évolue dans une tendance haussière depuis avril, validée par une surperformance de +2,5 % sur les quatre dernières semaines par rapport au S&P500. Néanmoins, l’absence de dividende et la faible visibilité sur la trajectoire de cash-flow peuvent limiter l’attractivité auprès d’investisseurs long terme prudents.
Boeing offre un cas typique de valeur de retournement. Le marché achète l’idée d’une stabilisation industrielle, d’une montée en cadence maîtrisée et d’un retour graduel à la rentabilité. La solidité du carnet de commandes (545 Mds$) et la performance des services offrent un socle tangible. Mais cette perspective repose sur de nombreuses conditions : restaurer la confiance des régulateurs, retrouver une culture industrielle robuste, éviter tout nouvel incident, maîtriser la dette, restaurer les fonds propres et redevenir structurellement bénéficiaire. Tant que ces conditions ne sont pas réunies, l’action reste un pari spéculatif sur la réussite du redressement. Pour un investisseur, il s’agit moins d’une valeur de fond de portefeuille que d’un actif cyclique, potentiellement rémunérateur, mais à haut risque.
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