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Dernière mise à jour : 27/06/2025 - 09h27

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L’action Tesla sous tension : une valorisation trop extrême pour investir ?

À 327 dollars à la clôture du 25 juin 2025, l'action Tesla affiche une performance chaotique, mais spectaculaire : en hausse de 66 % sur un an, elle recule de 19 % depuis le 1er janvier, sur fond de volatilité exacerbée. La dispersion des opinions est extrême : tandis que certains analystes placent l'objectif de cours à plus de 400 dollars, d'autres le ramènent à 235 dollars, soit une baisse anticipée de plus de 30 % par rapport au niveau actuel. Entre fascination technologique et inquiétude fondamentale, Tesla cristallise autant de croyances que de doutes. Une question domine : quelle est la rationalité réelle derrière un titre aussi éruptif ?

L’action Tesla sous tension : une valorisation trop extrême pour investir ?
Temps de lecture : 4 minute(s) - Par | Publié le 27-06-2025 06:00

Un géant industriel confronté à une décroissance brutale

D'abord regardons les chiffres : au premier trimestre 2025, Tesla a enregistré un recul marqué de ses revenus et de ses profits. Le chiffre d’affaires s’établit à 19,3 milliards de dollars, en baisse de 9 % sur un an. La marge opérationnelle, quant à elle, s’effondre à 2,1 %, contre 5,5 % un an plus tôt. Le bénéfice net chute de 71 %, à 409 millions de dollars. Sur une base ajustée (non-GAAP), le bénéfice net reste de 934 millions, mais là encore en recul de 39 %. La pression sur les prix de vente, les incitations commerciales et la transition vers une nouvelle version du Model Y ont pesé lourdement.

La production a été profondément affectée : Tesla a dû reconfigurer simultanément toutes ses lignes de production de Model Y, ce qui a généré des semaines entières sans assemblage. Résultat, les livraisons totales tombent à 336 681 véhicules, en baisse de 13 % sur un an.

Pour autant, la dynamique industrielle reste intacte dans d’autres segments. L’activité énergie (Powerwall, Megapack) explose (+67 % de revenus), soutenue par la demande liée aux besoins de stockage du secteur électrique et à l’essor de l’IA. Tesla a déployé plus de 10,4 GWh de stockage au T1, un record. Ce segment, bien que plus petit que l’automobile, contribue à lisser la cyclicité du groupe.

La société reste solide financièrement, avec 37 milliards de dollars de trésorerie et une dette longue relativement faible (5,3 milliards de dollars). Le free cash flow redevient positif à 664 millions, après un trimestre de flux négatifs.

Mais derrière ces chiffres se profile un ralentissement stratégique : Elon Musk a revu ses ambitions de réduction de coûts, indiquant que les nouveaux modèles attendus pour 2025 ne permettraient qu’une réduction partielle des coûts de production. Tesla semble désormais chercher une croissance prudente, avec une meilleure utilisation de ses lignes existantes, plutôt qu’une nouvelle expansion massive.

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Un avenir technologique fascinant mais semé d’embûches

Tesla conserve une capacité unique à capter l’attention des marchés grâce à ses innovations technologiques. Le lancement du Cybertruck long range, l’autonomie partielle des véhicules entre la chaîne et les aires de chargement, ou encore le déploiement du FSD « supervised » en Chine constituent des avancées réelles. Le pilotage automatique en conditions réelles, l’infrastructure IA et l’arrivée prochaine des robots Optimus en usine sont perçus comme les piliers futurs de la croissance non-automobile du groupe.

Mais cette promesse technologique s’accompagne de risques. Le Robotaxi, dont la version pilote est attendue à Austin à l’été 2025, reste une promesse sans calendrier industriel ferme. La production de masse de l’Optimus humanoïde est annoncée pour 2026, un horizon encore lointain et incertain. De plus, le lancement du Cybercab repose sur une stratégie industrielle encore expérimentale (« unboxed manufacturing ») dont l’efficacité reste à prouver.

Par ailleurs, les tensions géopolitiques, les droits de douane croissants et la polarisation politique aux États-Unis menacent la compétitivité des sites industriels à l’export. Tesla le reconnaît : l’environnement macroéconomique, combiné à des politiques commerciales volatiles, affecte fortement la demande et les chaînes d’approvisionnement.

La sensibilité de l’action à ces incertitudes est extrême : avec un bêta de 2,4, Tesla amplifie plus de deux fois les variations du marché. Dans les marchés baissiers, elle tend à baisser plus vite que le S&P 500 de 1,64 %, et en cas de mauvaises nouvelles spécifiques, les corrections sont en moyenne de -4,4 % même dans des marchés haussiers.




Une valorisation vertigineuse, déconnectée des fondamentaux

Avec un PER long terme de 107 fois les bénéfices estimés pour 2027, Tesla est valorisée près de trois fois au-dessus de la moyenne de son secteur (37). Même en tenant compte d’une croissance bénéficiaire attendue de 65 % par an, le ratio semble difficilement soutenable. L’entreprise ne verse aucun dividende, ce qui renforce encore son profil spéculatif.

Le ratio valeur comptable sur prix est extrêmement bas : seulement 6 % d’actifs nets par action contre 41 % pour la moyenne sectorielle. Ce chiffre illustre combien le titre repose essentiellement sur des anticipations et non sur des actifs tangibles ou reproductibles.

Ainsi, Tesla est aujourd’hui légèrement surévaluée et son potentiel de prix est considéré comme plutôt faible à moyen terme. Le consensus des analystes les plus pessimistes a dégradé les perspectives.

La réalité boursière est cependant plus nuancée. À long terme (10 ans), l’action affiche un gain de 1 740 %, surpassant de très loin le secteur automobile et le S&P 500. Cette performance historique alimente encore l’espoir d’un nouveau cycle de croissance. Sur 3 mois, le rebond de +20 % témoigne d’une résilience spéculative intacte.

Mais sur le plan fondamental, les signaux sont contradictoires. Le rendement des capitaux propres s’effondre à 10 % contre une moyenne historique de 17 %, et les marges brutes se sont stabilisées à un niveau plus faible qu’en 2021 ou 2022. Le ratio dette/capitaux propres reste faible, mais l’entreprise devra financer à la fois le développement de nouveaux modèles et ses projets IA sans revenus supplémentaires à court terme.



Entre mythe Muskien et réalité industrielle, un cas d'école pour investisseurs avertis

Tesla, plus que toute autre valeur, incarne une équation psychologique autant qu’industrielle. La personnalité clivante d’Elon Musk, à la fois magnétique et controversée, constitue un facteur déterminant. Son influence sur la perception de l’entreprise dépasse les fondamentaux : il peut, par un simple tweet ou une annonce stratégique, déclencher un mouvement boursier de plusieurs milliards. Cette situation renforce à la fois la volatilité du titre et son caractère spéculatif.

Sur le plan stratégique, la vision à long terme de Tesla – domination de l’électromobilité, robotique, intelligence artificielle embarquée – conserve une cohérence séduisante. Mais sa concrétisation demande des investissements massifs et des délais importants. Le recentrage annoncé sur la rentabilité et la discipline capitalistique suggère un virage vers une croissance plus mesurée.

Dans un portefeuille, Tesla ne peut être considérée comme une valeur défensive. Elle n’offre ni rendement, ni visibilité immédiate, ni protection contre la baisse. C’est une valeur typiquement contrariante et cyclique, à haute volatilité, à réserver à un investisseur averti, conscient du risque de perte important.

Le timing d’entrée est fondamental. À 327 dollars, le titre se situe au-dessus de son plus bas annuel (182 $) mais bien en dessous de son plus haut (488 $). Si l’on considère la difficulté des analystes à s'accorder sur un objectif de cours (de 235 à 306 dollars) mais leur consensus sur une baisse à court terme, l’asymétrie risque/rendement semble aujourd’hui déséquilibrée vers le bas. Une consolidation plus profonde ou des résultats positifs au second semestre (notamment sur l’IA ou l’énergie) pourraient offrir un meilleur point d’entrée.

Tesla reste donc un titre d’avenir, mais dont la valorisation actuelle repose plus sur la promesse que sur la performance. Pour l’investisseur de long terme, la prudence s’impose, sauf à parier sur une nouvelle phase spéculative portée par l’innovation. À court terme, une confirmation des progrès industriels et commerciaux sera nécessaire pour justifier un retour durable sur les sommets.

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