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Depuis son pic à plus de 41 € sur 12 mois, l’action Edenred a plongé de plus de 35 %, affichant un repli de 17,5 % depuis le début de l’année 2025. Le groupe, pourtant solidement positionné sur le créneau des services aux entreprises via ses solutions de paiement spécifiques (titres-restaurant, mobilité, incentives...), traverse une phase de correction marquée. À 26,20 € au 11 juillet 2025, l’action reste en retrait de plus de 36 % par rapport à ses plus hauts, et de plus de 42 % sur trois ans. Dans un contexte macroéconomique tendu en Europe et alors que les perspectives de croissance restent solides à l’international, faut-il y voir un point d’entrée ou le signal d’un ajustement plus structurel ? La stratégie de rachat d’actions, les réformes réglementaires sur le marché français et les promesses de la plateforme « Beyond » suffisent-elles à redonner du souffle à la valorisation ?
Edenred affiche une performance opérationnelle qui continue d’impressionner : sa marge d’exploitation (EBIT) atteint 41 % en 2024, contre 34 % en moyenne historique, soit un niveau très supérieur à la moyenne sectorielle (8,9 %). Le ROE (Return on Equity), indicateur de rentabilité des fonds propres, dépasse quant à lui 56 %, contre une moyenne de 40 % sur les cinq dernières années, et largement au-dessus des 13 % du secteur.Cette rentabilité s’appuie sur un modèle économique résilient, fondé sur la récurrence des flux de commissions perçues auprès des commerçants et des entreprises clientes. Le chiffre d’affaires a progressé de 6,7 % au premier trimestre 2025 à 724 millions d’euros, dont +7,1 % en organique pour les activités opérationnelles, portées par la croissance en Amérique latine (+16,3 %), la mobilité (+11,8 %) et les solutions « Beyond ».Mais cette solidité apparente masque plusieurs tensions. Les capitaux propres sont négatifs : -907 M€ fin 2024, soit -7 % du total du bilan, un niveau anormalement bas pour une entreprise cotée, fruit notamment de rachats d’actions massifs et de distributions de dividendes soutenues. Le ratio de liquidité à court terme continue de se détériorer, à 0,8 en 2024 contre 1,0 deux ans plus tôt, signalant une pression sur les équilibres de trésorerie. Les autres revenus (issus notamment du placement temporaire des fonds encaissés) sont en baisse en Europe, notamment en France (-3,8 %), reflétant la normalisation des taux d’intérêt et un effet de base défavorable.Si la dynamique du chiffre d’affaires reste solide dans les pays émergents, l’Europe montre des signes d’essoufflement, particulièrement sur le segment des cartes cadeaux. En France, le chiffre d’affaires n’a progressé que de 0,4 % au T1 2025.
Edenred poursuit une politique active de rachat d’actions, avec un programme pouvant atteindre 600 M€ d’ici novembre 2027. En juin 2025, 9,7 millions d’actions avaient déjà été rachetées pour un montant de 350 M€, soit environ 4 % du capital. Un nouveau mandat a été lancé pour 25 M€ d’ici fin juillet 2025, potentiellement renouvelable pour 250 M€.Ces rachats ont pour effet mécanique de soutenir le bénéfice par action et d’augmenter le rendement total pour l’actionnaire. Ils sont également utilisés pour compenser les effets dilutifs des plans d’attribution d’actions aux salariés. Mais ils pèsent sur la structure bilancielle : l’annulation des actions propres a contribué à creuser les fonds propres en territoire négatif.Sur le plan réglementaire, la réforme du titre-restaurant en France annoncée en juin 2025 constitue un tournant stratégique. Elle prévoit une digitalisation complète du dispositif au plus tard en janvier 2027, ce qui représente à la fois une opportunité de simplification et de croissance pour Edenred (déjà bien positionné sur le numérique), mais aussi un défi de mise à niveau pour les commerçants et restaurateurs partenaires.À noter que seuls 27 % des salariés en France bénéficient actuellement de titres-restaurant. La réforme vise à élargir cette base, ce qui pourrait offrir un nouveau relais de croissance pour Edenred France, dont le chiffre d’affaires stagne à 91 M€ au T1 2025.
Avec un PER estimé à long terme de 8,4, Edenred se traite à une décote de près de 50 % par rapport à la moyenne du secteur (17,0), ce qui peut sembler attractif pour un investisseur à la recherche de croissance à prix raisonnable. Cette valorisation faible reflète cependant un certain nombre de facteurs de risque, en particulier une croissance des bénéfices attendue de 11 %, inférieure à celle du secteur (15,4 %), ce qui limite la réévaluation potentielle du multiple. La sensibilité élevée aux turbulences du marché est notable : en cas de mauvaise nouvelle, le titre sur-réagit (-4,6 % en moyenne contre la tendance). L’objectif de cours fixé à 27 €, globalement équivalent au niveau actuel, selon l’évaluation du 11 juillet 2025, indique une absence d’anticipation de rebond à court terme par les analystes.Sur le plan du rendement, Edenred verse un dividende généreux, estimé à 5,2 % pour 2025. Il représente 46 % du résultat net, un niveau encore soutenable, même si le niveau de couverture n’est pas très élevé. Ce dividende reste néanmoins attractif dans l’environnement actuel, surtout pour les investisseurs à la recherche de rendement.
Le modèle économique d’Edenred reste solide à long terme : plateforme digitale, présence internationale équilibrée, diversification progressive avec les solutions Beyond (au-delà du ticket restaurant ou de la carte carburant). Le plan stratégique Beyond22-25, couplé au programme « Fit for Growth », vise à améliorer l’efficacité opérationnelle et la conversion du free cash-flow (objectif : >70 % de conversion par rapport à l’EBITDA).Mais le timing d’entrée en Bourse pose question. Le titre affiche une forte volatilité (38 % sur 12 mois), et une sensibilité marquée aux mauvaises nouvelles. Sa sur-réaction aux signaux de stress limite sa capacité à jouer pleinement un rôle défensif dans un portefeuille diversifié. Par ailleurs, les perspectives sont grevées par le plafonnement des commissions marchands en Italie, qui amputera l’EBITDA de 60 M€ en 2025.Pour un investisseur à l’horizon long terme, Edenred reste un dossier intéressant, mais qui nécessite une vigilance accrue sur le levier bilanciel, les marges de manuvre financières et les évolutions réglementaires. L’action, aujourd’hui, peut difficilement être qualifiée de valeur défensive, mais son rendement, sa capacité d’innovation et la digitalisation complète du secteur du titre-restaurant en France pourraient, à terme, réactiver une dynamique plus favorable.
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