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Immobilier : le secteur, en colère, attend un geste du gouvernement

La vague de licenciements révèle l'ampleur de la crise qui secoue le secteur immobilier. Tandis qu'à l'autre bout de la chaîne les loyers explosent, la politique du logement se fait attendre.

Temps de lecture : 6 minute(s) - Par C Courvoisier | Mis à jour le 21-05-2024 09:52 | Publié le 29-04-2024 15:08  Photo : Adobe Stock  
Immobilier : le secteur, en colère, attend un geste du gouvernement

Dans le neuf, les acheteurs se font rares

Les ventes de logements neufs ont chuté de 41% en un an. La hausse des taux est passée par là : les particuliers peinent à acheter. Mais le neuf souffre d’autant plus qu’il est en moyenne 15 à 30% plus cher que l’ancien et qu’il faut attendre d'un à deux ans avant d’entrer chez soi. “Les stocks augmentent, et de plus en plus de projets sont bloqués faute de commercialisation”, explique Matthieu*, directeur de programme chez un promoteur et qui a voulu garder l'anonymat. “Le nombre de désistements a littéralement explosé depuis quelques mois”.

Les promoteurs prennent aussi de plein fouet le coup de rabot du dispositif de défiscalisation Pinel, voué à disparaître à la fin de l’année. Les investisseurs, qui représentaient entre 44% et 50% des acheteurs ces 8 dernières années, n’étaient plus que 35% en 2023 selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI). Paradoxalement, les prix ont continué à monter (+4,2% en un an), mis sous pression par la flambée du coût des matériaux de construction. “Construire devient de plus en plus complexe : imposer des logements avec d'excellentes performances énergétiques c'est compréhensible. Mais l'empilement de réglementations contribue aussi à augmenter le coût des bâtiments, or les particuliers peinent parfois à comprendre l'intérêt de certaines normes”, explique Matthieu.

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Dans l'ancien, le flou sur MaPrimRenov provoque une perte de confiance

Malgré quelques timides signes de reprise, l’ancien reste aussi en difficulté. La baisse des prix et l’infléchissement des taux n’ont pas encore fait revenir les acheteurs.

L’instabilité du dispositif MaPrimeRénov, modifié 2 fois en quelques mois, a également découragé les ménages qui voulaient se lancer dans des travaux. Le risque de ne pas obtenir la subvention semble parfois trop grand pour les propriétaires actuels et les potentiels acquéreurs de biens énergivores. Selon l’agence nationale de l’habitat (Anah), les rénovations ont chuté de 43% au 1er trimestre par rapport à l’année dernière.

De quoi mettre en colère les acheteurs, mais également les artisans et les agents immobiliers. “J’ai dû attendre 4 ans pour toucher une prime de 1200 euros pour le changement de ma chaudière !”, explique Guy depuis l’Auvergne. “4 ans de recours et d’appels, de bugs du site Internet… Je pense qu'ils comptent sur notre abandon pour ne pas payer.

La perte de confiance se trouve renforcée par les nombreux témoignages de candidats confrontés à de réelles difficultés, voire à des refus tardifs. “Un de nos clients a réalisé un dossier de financement sur la base de l’obtention de MaPrimRenov”, indique Hélène, agent immobilier à Lille. “Mais la banque hésite à donner le crédit, car elle n’est pas certaine que la prime sera versée. Or, les clients ne veulent pas prendre un risque sur plusieurs milliers d’euros, donc si la banque ne valide pas le dossier en l'état, ils vont renoncer”.




Derrière les difficultés d'un secteur, une potentielle crise sociale

La crise immobilière rejaillit aussi dans la vie des particuliers. Faute de pouvoir acheter, les ménages louent. Dans de nombreuses villes, la forte demande a provoqué une nette hausse des loyers en un an : +11,6% au Havre, +11,2% à Amiens, + 10,6% au Mans selon le baromètre Fnaim / Clameur de mai 2024.

“Le marché de la location est directement impacté par la contraction du nombre de transactions et par l'arrêt de la construction”, explique Stéphane Fritz, président de Guy Hoquet l'Immobilier. “Il est urgent de remettre la construction au centre de la politique du logement pour changer la donne, et permettre au plus grand nombre d'accéder au logement”.

Sauf que pour le moment, le marché de la construction ne montre aucun signe de reprise. Dans le neuf, les trois plus gros promoteurs viennent d’annoncer un plan social. 502 postes vont être supprimés chez Nexity et 225 chez Bouygues Immobilier, soit environ 20% de leurs effectifs de promotion immobilière. Chez Vinci Immobilier, le nombre d’emplois concernés n’est pas encore connu.

Au-delà des majors et des opérateurs immobiliers de toutes tailles, de nombreux TPE, PME et indépendants de la chaîne immobilière souffrent aussi, mais de manière moins visible : entreprises du bâtiment, artisans, architectes, géomètres, bureaux d'études techniques, agents immobiliers, dont beaucoup risquent de ne pas se relever.

Selon la Fédération Française du Bâtiment, les défaillances d’entreprises ont augmenté de 40% sur le dernier trimestre 2023, et 300.000 emplois seraient menacés d’ici à 2025. “Sans surprise, tout le secteur subit une crise structurelle avec désormais son cortège de faillites et de plans de licenciements”, explique Pascal Boulanger, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers.



L'impact sur les finances publiques reste à évaluer

L’activité des entreprises liées au secteur de l’immobilier représentait environ 11% du PIB et 2,3 millions d’emplois en 2022, selon le 7e Panorama de l’immobilier et de la ville de EY et la Fondation Palladio. Au-delà de l’activité économique, les prélèvements sur l’immobilier ont généré près de 97 milliards d'euros de recettes fiscales cette même année, soit 10% de l'ensemble de l’ensemble des impôts et cotisations (IFI, CSG et CRDS sur les loyers, impôts sur les revenus locatifs, taxe foncière…).

Le ralentissement actuel présage donc d’une perte pour l'État, tant au niveau de l’activité économique que des recettes fiscales et sociales. Les travaux de rénovation génèrent 10% de TVA et chaque vente d’un logement neuf rapporte aussi entre 5,5% et 20% du prix de vente (en fonction de son statut d’accession sociale ou non), soit entre 11 000 et 40 000 euros pour un logement à 200.000 €. Les droits de mutation, collectés par les autorités locales lors des transactions immobilières, constituent également une importante source de revenus.

Mais la contraction de l'activité immobilière menace également le volet social des finances publiques. Une augmentation des licenciements dans le secteur pourrait gonfler le nombre de demandeurs d'emploi, tout en privant le système d’un volume substantiel de cotisations.

Un changement de politique qui n'arrange pas les choses

L’immobilier, secteur cyclique, nous a habitués à des retournements environ tous les 10 ans. À chaque fois, les gouvernements successifs ont tenté de relancer la machine en dopant le marché grâce à de nouveaux dispositifs d’aide à l’achat et aux travaux (prêts à taux zéro, lois de défiscalisation liées à un plafonnement des loyers…). Si les professionnels appuient ce système - qui a coûté 17,3 milliards d’euros en 2021 dont 3,3 milliards pour MaPrimeRénov -, beaucoup d’observateurs considèrent que le secteur est “sous perfusion” depuis de trop nombreuses années.

C’est notamment le cas d’Emmanuel Macron. « On a créé un système de surdépenses publiques pour de l’inefficacité collective. C’est un secteur où on finance l’offre, l’investissement et la demande. Malgré tout, on produit moins, et c’est plutôt plus cher qu’ailleurs. Cette économie mixte n’est pas efficace. La vérité, c’est qu’on a beaucoup d’aides et qu’on a créé un paradis pour les investisseurs immobiliers », expliquait-il en mai 2023 au magazine Challenge.

Les subventions Scellier et Pinel auraient ainsi contribué à doper artificiellement les prix de vente mais aussi celui des terrains, dont la charge représente entre “25 et 50% du coût global d'une opération” en fonction des régions, selon Nexity. Même si cette théorie est débattue, supprimer ces subventions a pour objectif que l’Etat fasse des économies et que les prix tendent vers une “normalisation”. Or, dans un pays où les aides à l’achat se sont succédé pendant près de 40 ans, l’atterrissage risque d’être brutal, surtout en pleine crise.

Des réponses loin des attentes

Alors que les difficultés du secteur semblent s’aggraver, les réactions du gouvernement restent timides. En parallèle d’un retour en arrière sur certaines conditions de MaPrimRenov pour l'ancien, le Premier ministre Gabriel Attal a promis le 14 février “d'aller chercher tous les logements possibles avec les dents”.
L’objectif est de construire 30.000 logements supplémentaires d’ici à 2027 et de créer “un choc de l’offre” tout en conservant une “densification douce”. Selon l’INSEE, 387.000 logements avaient été mis en chantier en 2019 à la veille du Covid, contre 287.000 en 2023. “Je doute que ces annonces soient suffisantes pour compenser la baisse”, soupire Matthieu. “Surtout que les projets se développent sur plusieurs années, et que le nombre de dépôts de permis de construire risque d'être désastreux en 2024”.

Le 12 mars, le ministre du Logement Guillaume Kasbarian a proposé 10 mesures pour accélérer les constructions : transformation des bureaux en logements, numérisation des permis de construire, raccourcissement des procédures de recours, modification de la loi SRU… Des actes demandés de longue date par les professionnels, mais qui semblent aujourd’hui presque anachroniques : “Accélérer l’obtention définitive des permis de construire, ça marchera seulement si les acheteurs sont encore là pour qu’on lance des projets”, redoute Matthieu.

*Le prénom a été changé

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Commentaires (4)

Quand le bâtiment va mal, tout ca mal. Et là, le bâtiment va mal. Mais comme ils comptent ne plus indemniser les chômeurs, il n'y aura pas de problème. Et le président ne viendra pas compter les SDF, vu qu'il a promis qu'il n'y aurait plus personne à la rue après son élection de 2017 !

Y'en a marre du gouvernement qui prend tout son temps. Les loyers montent en flèche et pendant ce temps, ils sont où ? Au chaud à discuter de 'politique du logement' sans rien faire de concret. Quand c'est qu'ils vont comprendre que les gens peinent à se payer un toit ? Et le flou autour de MaPrimRenov, c'est pas mieux ! Ça donne envie d'investir dans l'ancien ça, vous croyez ? En réalité, tout le monde perd : les acheteurs, les investisseurs, sans parler des milliers de licenciements. Bref, ça sent la crise sociale à plein nez.

Pouah, çà donne le tournis ! Entre les loyers qui grimpent comme Jack et son haricot magique et ces licenciements en pagaille, on se demande où va le monde. C'est le moment que choisit le gouvernement pour faire la belle au lieu de s'occuper de nous, les petites gens. Sans déconner, il y a urgence là, non ? C'est pas en twittant depuis leurs bureaux confortables qu'ils vont régler la crise hein. Et puis, qu'est-ce qu'ils attendent pour clarifier cette histoire de MaPrimRenov ? C'est pas en laissant planer le doute qu'ils vont rassurer les gens, au contraire. Bref, tout ça pour dire que j'espère qu'ils vont bouger leurs fesses, et vite. Parce que là, c'est plus une crise du logement, c'est une crise sociale qui se profile à l'horizon. Tiens bon le peuple !

On est vraiment dans une situation de schmilblick total non, p'tits lapins? Depuis le temps qu'on dit que la défisc pousse les prix vers le haut ! Pour un fois que je suis d'accord avec Macron... Faites dégonfler cette bulle ! Au lieu d'intervenir partout, l'état ferait mieux de laisser le marché tranquille pour qu'il retrouve son vrai prix !