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Le Fonds monétaire international a publié mardi 14 octobre son rapport semestriel sur la stabilité financière mondiale, dans lequel il tire la sonnette d'alarme. Malgré une apparente sérénité des marchés depuis le printemps, l'institution estime que les investisseurs sous-estiment gravement les risques pesant sur l'économie mondiale. Entre guerres commerciales, déficits budgétaires abyssaux et actifs surévalués, les conditions seraient réunies pour une correction brutale et désordonnée des cours. Cette alerte intervient alors que Donald Trump a ravivé vendredi dernier ses menaces tarifaires contre la Chine, provoquant une nouvelle vague de ventes avant un rebond lundi.
Selon les modèles d'évaluation présentés par le FMI, les prix des actifs à risque se situent largement au-dessus de leurs fondamentaux économiques. Cette situation augmente mécaniquement la probabilité de corrections désordonnées en cas de chocs défavorables. L'institution note que « sous une surface calme, le sol bouge » dans plusieurs segments du système financier, faisant apparaître des vulnérabilités préoccupantes. Les valorisations des actions et du crédit d'entreprise demeurent particulièrement tendues, soutenues par l'enthousiasme des investisseurs pour les valeurs technologiques liées à l'intelligence artificielle. Cette concentration sur un nombre restreint de sociétés atteint un niveau historique, créant un risque de correction soudaine et brutale si les rendements attendus ne justifient pas ces valorisations élevées. Le FMI souligne que les prix des actions américaines, rapportés aux bénéfices anticipés, se situent près du sommet de la fourchette observée depuis 1990, même s'ils restent légèrement inférieurs aux niveaux de la bulle internet du début des années 2000. La différence majeure réside toutefois dans la concentration extrême du marché actuel, avec un groupe étroit de mégacapitalisations du secteur informatique et de l'IA qui tire l'ensemble de l'indice. Une déception concernant les bénéfices ou les gains de productivité liés à l'intelligence artificielle pourrait déclencher une réévaluation brutale, marquant la fin du boom des investissements et de l'exubérance qui l'accompagne. Les marchés financiers ont certes montré une résistance notable depuis avril, date du lancement de la guerre commerciale américaine, soutenus par les anticipations d'assouplissement monétaire dans les principales économies avancées. Mais cet optimisme masque les dommages potentiels liés aux droits de douane et au niveau élevé de la dette publique. Les investisseurs semblent se montrer trop complaisants face aux défis structurels de l'économie mondiale, avec pour résultat des actifs négociés à des niveaux qui augmentent le risque d'une correction abrupte.
Le FMI accorde une attention particulière au secteur financier non bancaire, qui regroupe les compagnies d'assurances, les fonds de pension, les fonds de placement et les fonds spéculatifs. Ces institutions, qui ne prennent pas de dépôts mais jouent un rôle croissant sur les marchés mondiaux, détiennent désormais environ la moitié des actifs financiers à l'échelle planétaire. Leur traitement réglementaire demeure très hétérogène, avec des cadres de supervision spécifiques pour les assureurs mais une surveillance prudentielle beaucoup moins poussée pour de nombreuses autres entités. Les tests de résistance menés par le FMI mettent en évidence que les vulnérabilités de ces établissements non bancaires peuvent se propager rapidement au cœur du système bancaire, amplifiant les chocs et compliquant la gestion des crises. Aux États-Unis comme dans la zone euro, de nombreuses banques affichent des expositions au secteur non bancaire qui dépassent leur capital de haute qualité, celui-là même destiné à absorber les pertes en période de tensions. Cette interconnexion croissante entre les banques et les acteurs financiers moins régulés constitue un facteur d'amplification en cas de choc provenant de secteurs comme le crédit privé, l'immobilier ou les cryptomonnaies. Les établissements non bancaires représentent également désormais la moitié des transactions quotidiennes sur le marché des changes, soit plus du double de leur part d'il y a vingt-cinq ans. Cette évolution a certes facilité les activités des marchés de capitaux et élargi les opportunités de diversification des risques, mais elle a également introduit une complexité et des interconnexions accrues, rendant le système plus susceptible aux périodes de tensions. Le FMI souligne que les vulnérabilités du secteur non bancaire sont interdépendantes et peuvent rapidement se propager au système bancaire traditionnel. Le test de résistance appliqué cette année modélise un choc de stagflation combinant récession, hausse de l'inflation et augmentation des rendements sur la dette souveraine. Il en ressort qu'environ 18 % des banques, en pourcentage du volume des actifs mondiaux, verraient leurs ratios de fonds propres de base passer sous le seuil de 7 %. Bien que ces résultats marquent une amélioration par rapport aux évaluations antérieures, ils révèlent l'existence d'un sous-ensemble de banques fragiles au sein du système financier global.
Face à ces risques multiples, le FMI formule une série de recommandations destinées aux décideurs politiques. L'institution appelle d'abord les banques centrales à rester vigilantes face aux risques inflationnistes induits par les droits de douane et à adopter une approche prudente en matière d'assouplissement monétaire. Dans les juridictions où l'inflation demeure nettement supérieure aux objectifs et où les tarifs douaniers pourraient constituer un choc d'offre, les banques centrales doivent procéder avec circonspection à tout assouplissement et maintenir leur engagement envers leurs mandats de stabilité des prix. Cette approche mesurée devrait également contribuer à limiter de nouvelles pressions sur les valorisations des actifs à risque. Le FMI insiste particulièrement sur l'indépendance opérationnelle des banques centrales, jugée essentielle pour ancrer les anticipations des marchés et permettre à ces institutions de remplir leur mandat. Cette mise en garde prend une résonance particulière alors que les attaques répétées de Donald Trump contre les responsables de la Réserve fédérale émergent comme la plus grande menace à l'indépendance des banques centrales depuis des décennies. Sur le plan budgétaire, l'institution internationale appelle à des ajustements urgents pour contenir les déficits et garantir la résilience des marchés obligataires. L'analyse des marchés de dette souveraine révèle une pression croissante exercée sur leur fonctionnement par l'élargissement des déficits budgétaires. Bien que ces marchés soient restés globalement stables jusqu'à présent, des hausses brutales des rendements pourraient fragiliser les bilans bancaires et exercer une pression sur les fonds ouverts comme les fonds communs de placement. Le stress sur les marchés obligataires de référence, même s'il constitue un risque extrême, pourrait avoir des ramifications larges et perturbatrices pour les marchés financiers, compte tenu du rôle clé de ces obligations comme références et garanties. Concernant le secteur non bancaire, le FMI préconise de renforcer la supervision et d'avancer sur les normes prudentielles convenues au niveau international, notamment l'accord de Bâle 3. Il s'agit également d'améliorer la qualité des données, de renforcer la coordination intérieure et transfrontalière, et de faire preuve d'innovation réglementaire pour suivre le rythme de l'évolution du secteur. L'institution appelle enfin à une régulation efficace des stablecoins et à un renforcement des filets de sécurité financière pour préserver la stabilité financière mondiale dans un contexte d'incertitude économique accrue.