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Dans une industrie européenne de la gestion d'actifs soumise à une pression concurrentielle croissante, les opérations de fusions-acquisitions (M&A) sont souvent perçues comme la voie royale pour gagner en taille critique. Mais cette stratégie tient-elle ses promesses ? Un rapport de Morningstar, publié le 6 mai, dresse un constat nuancé à partir d'une décennie d'observations sur les 100 plus grandes sociétés de gestion d'actifs en Europe. Derrière quelques transactions très visibles, la consolidation reste marginale, les stratégies organiques dominant nettement les dynamiques de croissance. Plus surprenant encore : ni les performances des fonds, ni les frais pour les clients ne semblent s'améliorer à la suite de ces opérations.
Contrairement aux impressions laissées par des opérations comme l'acquisition d'AXA IM par BNP Paribas ou la tentative de fusion entre Natixis IM et Generali Investments, la consolidation reste marginale. Sur les 100 plus grands gérants européens, Morningstar identifie 55 « développeurs organiques », contre seulement 28 « consolidateurs » et 16 « acquéreurs opportunistes ». Dans la grande majorité des cas, les sociétés de gestion préfèrent renforcer leurs compétences internes, étendre leur offre ou investir dans le digital plutôt que se lancer dans des fusions complexes. La plupart des deals restent de petite taille, concentrés sur des expertises ciblées (ESG, gestion alternative, ETF) ou des relais de distribution. Les opérations véritablement transformantes sont rares. Le mouvement est donc opportuniste, et non structurel. L’Europe continue de souffrir d’une fragmentation persistante, notamment face aux mastodontes américains comme BlackRock ou Vanguard, ultra-dominants sur les ETF.
Sur le papier, la consolidation promet des économies d’échelle, une rationalisation de l’offre, et une meilleure efficience. Mais Morningstar démontre que ces effets sont très souvent surestimés. Les exemples de Janus Henderson ou Aberdeen illustrent l’ampleur du décalage : malgré leur fusion, les deux groupes ont enregistré des sorties d’actifs massives et ont dû déprécier leur goodwill. Seul Amundi, grâce à une intégration progressive et une stratégie claire sur les ETF, a su tirer son épingle du jeu. Mais même dans ce cas, la rentabilité n’a pas connu d’embellie spectaculaire. Les économies réalisées ne se traduisent pas en baisse de frais pour les clients, ni en meilleure performance pour les fonds. Morningstar ne constate pas de différence significative de résultats entre les fonds des consolidateurs et ceux des gérants organiques.
Pour les analystes de Morningstar, les gérants qui réussissent sont ceux qui misent sur l’agilité : innovation produit, digitalisation des processus, qualité du reporting, capacité à répondre aux besoins ESG des investisseurs institutionnels. Les développeurs organiques obtiennent plus souvent les meilleures notes sur le pilier « Parent » de Morningstar, signe d’une meilleure culture d’investissement et de pratiques plus respectueuses des intérêts des porteurs de parts. Dans une industrie de plus en plus défiée sur la transparence, le respect des mandats, la réduction des frais ou la décarbonation des portefeuilles, c’est un différenciateur clé. Les gagnants de demain ne seront pas ceux qui cherchent à grossir à tout prix, mais ceux qui comprennent que la personnalisation et l’efficience comptent plus que les synergies théoriques. Le rapport de Morningstar sonne donc comme un avertissement : la consolidation, si elle n’est pas stratégiquement alignée, peut coûter plus qu’elle ne rapporte.
La taille critique ne fait pas tout, surtout pas dans un marché européen de la gestion d’actifs en mutation rapide. La dynamique de consolidation est bien réelle, mais reste marginale et souvent peu créatrice de valeur. Les champions de demain seront probablement ceux qui réussiront à allier proximité client, capacité d’exécution et culture d’investissement. Pour les investisseurs, le signal est clair : mieux vaut regarder la façon dont une société gère ses équipes, ses produits et ses frais que sa taille ou son appétit pour les fusions.
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