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Avec un cours autour de 245 euros mi-juin, l'action Thales s'est envolée de plus de 76 % depuis le début de l'année, et de 117 % en trois ans. Une performance spectaculaire qui traduit l'appétit des investisseurs pour les valeurs liées à la défense, dans un contexte géopolitique tendu, mais aussi la capacité du groupe à exécuter sa stratégie de manière disciplinée. Reste à savoir si cette dynamique est durable, ou si la valorisation actuelle commence à intégrer des attentes qui pourraient devenir plus difficiles à satisfaire.
Thales a publié un chiffre d’affaires de 4,96 milliards d’euros au premier trimestre 2025, en hausse de 12,2 % en données publiées et de 9,9 % à périmètre et taux de change constants. Cette progression est tirée essentiellement par les segments Défense (+15 % en organique) et Aérospatial (+8,4 %), tandis que le pôle Cyber & Digital recule légèrement de 2,1 %.La division Défense reste le moteur principal de cette dynamique. Le chiffre d’affaires atteint 2,69 milliards d’euros, porté par les systèmes terrestres et aériens, dans un contexte d’accélération des budgets militaires en Europe et en Asie. Le groupe cite explicitement la production de radars comme contributeur significatif. Cette tendance est cohérente avec la logique de réarmement des États occidentaux, dans un monde marqué par des tensions géopolitiques persistantes.L’Aérospatial, avec 1,34 milliard d’euros de revenus sur le trimestre, bénéficie d’une forte demande en avionique, à la fois civile et militaire. Les activités de spatial sont quant à elles pénalisées par une demande encore faible sur les satellites de télécommunications, mais Thales a signé plusieurs commandes significatives sur ce segment, comme le satellite THOR 8 (Space Norway) ou le projet lunaire Argonaut avec l’ESA.Le secteur Cyber & Digital affiche des tendances plus contrastées. Les activités Cyber sont stables dans l’ensemble, avec une dynamique positive sur les produits (grâce à l’intégration d’Imperva), mais des services affectés par une faible demande, notamment en Australie. Côté Digital, les paiements repartent à la hausse après une période de repli, tandis que l’identité et la biométrie voient leur activité se normaliser après un effet de rattrapage post-Covid.Au total, la dynamique d’activité est forte, avec une croissance équilibrée entre les marchés matures (+9,7 % organique) et émergents (+10,5 %). Le Royaume-Uni (+14,9 %) et les États-Unis (+9,4 %) contribuent notamment à la croissance.Le carnet de commandes reste solide, malgré un recul apparent. Les prises de commandes s’élèvent à 3,78 milliards d’euros, en repli de 27 % en organique. Ce chiffre doit être interprété à la lumière d’une base de comparaison exceptionnelle en 2024, qui incluait plusieurs contrats majeurs, dont une commande de 18 Rafale pour l’Indonésie. En réalité, Thales indique que ses prises de commandes au T1 2025 dépassent celles de 2022 et 2023. Cinq contrats supérieurs à 100 millions d’euros ont été signés dans le trimestre, notamment pour la modernisation de simulateurs militaires ou des satellites géostationnaires.Le groupe confirme donc son objectif d’un ratio book-to-bill supérieur à 1 en 2025, et maintient ses prévisions : une croissance organique du chiffre d’affaires comprise entre +5 % et +6 %, pour un total entre 21,7 et 21,9 milliards d’euros, et une marge d’EBIT ajusté entre 12,2 % et 12,4 %.
Les perspectives opérationnelles de Thales restent bien orientées. D’une part, la majorité des contrats du groupe, notamment en Défense, sont pluriannuels et offrent une bonne visibilité sur les revenus futurs. D’autre part, les investissements massifs en R&D (plus de 4 milliards d’euros par an) permettent au groupe de rester à la pointe de technologies critiques : cybersécurité, quantique, cloud souverain, IA embarquée.L’environnement géopolitique – s’il reste conflictuel – crée un cadre favorable pour les grandes entreprises de défense. L’augmentation des dépenses militaires, aussi bien en Europe qu’en Asie-Pacifique, crée un appel d’air sur de nombreux segments : communications sécurisées, capteurs, surveillance, satellites, simulation, etc.Côté risques, le groupe indique suivre de près les impacts potentiels de la hausse des tarifs douaniers. À ce stade, les effets directs restent contenus, notamment grâce à des clauses contractuelles protectrices et à des programmes comme le « duty drawback ». Thales travaille néanmoins à des plans d’adaptation sur sa chaîne d’approvisionnement : relocalisation, recherche de fournisseurs alternatifs, ajustement des flux de production, etc.Le principal risque identifié à court terme concerne l’intégration d’Imperva (dans le cyber), qui bien que stratégique, peut générer des frictions dans la réorganisation des équipes et des perturbations commerciales temporaires. L’activité Cyber Services reste sous pression, et Thales affiche sa volonté de rationaliser l’offre et d’en améliorer les marges.En termes de croissance externe, le groupe reste actif mais prudent. Les acquisitions récentes dans l’aéronautique (Cobham Aerospace, Get SAT) traduisent une volonté de renforcer les positions sur des segments porteurs, sans remettre en cause la discipline capitalistique globale.Enfin, la rentabilité semble rester sous contrôle. En 2024, la marge EBIT était de 8 %, en ligne avec les standards historiques du groupe. Le retour sur capitaux propres (ROE) atteint 14 %, stable sur les cinq dernières années. Ces niveaux, s’ils ne sont pas exceptionnels, traduisent une gestion efficace dans un environnement complexe.
Avec une capitalisation boursière de 59,3 milliards, et un PER 2027 estimé à 20,3, l’action Thales se traite avec une prime par rapport à la moyenne de son secteur (PE de 16,3). Ce différentiel s’explique en partie par une croissance des bénéfices attendue supérieure à la moyenne (près de 20 % contre 15,1 %).Le dividende estimé pour les 12 prochains mois est de 2,85 euros, soit un rendement de 1,6 %, relativement faible, mais bien couvert (34 % des bénéfices). Ce profil est cohérent avec une entreprise qui privilégie la rétention des profits pour investir dans l’innovation et la croissance externe ciblée.La valeur comptable s’établit à 36,70 euros, ce qui implique un ratio Price-to-Book d’environ 6,7 à 250 euros l’action. Cela traduit une valorisation élevée par rapport aux actifs nets, supérieure à la moyenne du secteur. Le ratio fonds propres / total actif est de 19 %, contre 39 % pour le groupe Produits & Services Industriels dans son ensemble. En d’autres termes, Thales est valorisée pour sa capacité à générer des flux futurs, et non pour ses actifs immobilisés.Le consensus détermine un objectif de cours incertain, certains analystes tablant sur un recul à 224 euros tandis que d'autres voient une nouvelle progression jusqu'à 267 euros. Un manque d'homogénéité qui invite à la prudence, en s’appuyant sur deux signaux : une tendance technique devenue légèrement négative, et une série de révisions de bénéfices à la baisse depuis mai.Par ailleurs, l’analyse de la sensibilité montre que Thales est désormais plus réactive aux mauvaises nouvelles. En cas de baisse générale du marché, le titre limite mieux les pertes, mais sa volatilité reste significative (environ 30 % ces 12 derniers mois).
L’action Thales s’est imposée depuis trois ans comme une valeur de conviction pour les investisseurs exposés à la défense, la souveraineté technologique et la cybersécurité. Sa croissance soutenue, sa visibilité opérationnelle et ses positions stratégiques en font un titre de référence dans ces segments. Sa capacité d’innovation et son envergure internationale constituent également des atouts dans un secteur en recomposition.Pour autant, à plus de 245 euros, l’action intègre déjà une part significative des perspectives favorables. Les investisseurs doivent désormais composer avec une valorisation exigeante, une volatilité accrue, et des attentes de croissance qui devront être confirmées dans la durée. Le titre a connu un parcours exceptionnel (+75 % en 2025) porté notamment par les annonces gouvernementales, et une consolidation technique ou un changement de ton des analystes pourraient entraîner des prises de bénéfices.Dans une logique de construction de portefeuille, Thales reste adapté aux stratégies de conviction sectorielle ou de couverture géopolitique, mais il nécessite désormais un suivi actif. Son profil n’est plus uniquement défensif : il est aussi sensible aux flux, aux arbitrages et aux cycles boursiers. Un bon point d’entrée pourrait se situer en cas de repli technique autour de 220–230 euros.
Les informations présentées dans cet article sont fournies à titre purement indicatif et ne constituent en aucun cas une recommandation d’investissement, une incitation à acheter ou vendre un actif financier, ni un conseil en placement. Le lecteur est invité à réaliser ses propres recherches avant toute décision. Les investissements en bourse comportent des risques, notamment de perte en capital. La performance passée d’un actif ou d’un marché ne présage en rien de ses performances futures. Toute décision d’investissement doit être prise en tenant compte de votre situation financière personnelle, de vos objectifs et de votre tolérance au risque.
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