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Les marchés actions continuent d’afficher une santé insolente, mais les tensions reviennent dans le système financier mondial. Sous la surface, la liquidité se resserre, les banques régionales américaines souffrent, et les investisseurs guettent les fissures du crédit privé.
À première vue, rien d’alarmant : le S&P 500 progresse encore de +1,7 %, les profits d’entreprises dépassent les attentes et la volatilité reste maîtrisée. Mais derrière cette façade rassurante, plusieurs indicateurs suggèrent que le système bancaire et obligataire entre dans une zone de tension silencieuse. D’après la dernière note de Pictet Wealth Management, les banques régionales américaines ont dû emprunter massivement auprès de la Fed, atteignant un niveau d’urgence comparable à celui observé au plus fort de la pandémie. En parallèle, les dépôts des ménages se contractent pour la première fois depuis dix ans, conséquence d’une épargne excédentaire désormais épuisée. Autre signal inquiétant : la chute rapide des rendements des Treasuries à 10 ans, passés sous les 4 %. Ce mouvement, en apparence favorable aux marchés, traduit en réalité une recherche de sécurité : les investisseurs anticipent un ralentissement économique plus brutal qu’annoncé. Les flux vers les fonds obligataires défensifs explosent, tandis que les encours des fonds actions stagnent.
Cette situation d’hyper-liquidité paradoxale — abondance de capitaux et défiance croissante — interroge les fondements de la confiance financière. “Nous sommes dans une économie d’inertie : tout tient, mais plus rien ne respire vraiment”, résume un analyste de Pictet WM. Les entreprises se refinancent à des taux encore modérés, mais la dette privée atteint des niveaux record, notamment dans l’immobilier commercial américain et européen. Les banques, elles, se retrouvent sous double pression : baisse de la marge nette d’intérêt d’un côté, surveillance accrue des autorités prudentielles de l’autre. Aux États-Unis, la SEC enquête sur plusieurs cas de prêts frauduleux liés à des structures non bancaires ; en Europe, la BCE s’inquiète d’une exposition trop forte des banques aux fonds de dette privée, jugés vulnérables en cas de choc de liquidité. Cette tension s’accompagne d’un changement d’attitude des investisseurs institutionnels. Les fonds souverains et les assureurs-vie diversifient leurs portefeuilles vers des actifs réels (infrastructures, foncier, énergie), tout en réduisant leur exposition au crédit noté BBB — le segment jugé le plus risqué en cas de dégradation massive. Les flux se redéploient ainsi discrètement vers des poches d’investissement moins corrélées : dette privée immobilière, financement d’entreprises non cotées, ou stratégies “low volatility” à horizon long.
L’apparente solidité des marchés masque en réalité une érosion lente de la confiance interbancaire. Les spreads de crédit corporate se tendent, les volumes d’émissions ralentissent, et les banques centrales peinent à convaincre qu’un “atterrissage en douceur” reste possible. “Les investisseurs ne croient pas encore à un choc systémique, mais ils se préparent à une période prolongée de rendement faible et de volatilité contenue”, note Pictet WM. Autrement dit : le risque ne disparaît pas, il se déplace. L’endettement reste le point névralgique du système mondial, tandis que les politiques monétaires, après avoir longtemps agi comme filet de sécurité, deviennent elles-mêmes sources d’incertitude. La Bourse peut continuer à y croire quelques mois encore, mais la mécanique est connue : quand la confiance s’effrite, les ajustements deviennent soudains. Le marché ne panique pas. Il retient son souffle.