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Privée de son “superbonus” pour la rénovation, l’économie italienne continue de surprendre par sa résistance. Soutenue par les fonds européens, la baisse des taux et la normalisation de son secteur bancaire, la péninsule retrouve une dynamique de croissance durable.
La fin du “superbonus”, cette aide fiscale exceptionnelle destinée à subventionner massivement les travaux de rénovation énergétique, aurait pu provoquer un trou d’air dans l’économie italienne. Ce dispositif, instauré en 2020 et supprimé progressivement depuis 2024, avait dopé la construction et soutenu la reprise post-Covid. Pourtant, contre toute attente, le PIB italien ne fléchit pas.Selon l’analyse de François-Xavier Chauchat (Dorval AM), le pays bénéficie désormais d’un relais solide : le plan européen NextGenEU, lancé durant la pandémie, dont l’Italie reste la principale bénéficiaire. À l’été 2025, 122 milliards d’euros ont déjà été versés, soit près des deux tiers de l’enveloppe totale de 194 milliards prévue. Ces fonds massifs alimentent la reprise de l’investissement non résidentiel, qui compense le recul du résidentiel. Résultat : l’investissement total repart à la hausse, soutenu par la commande publique et les projets d’infrastructures.Le contexte monétaire a aussi changé. Après une période de tension, la Banque centrale européenne a engagé une baisse graduelle des taux, entraînant un reflux spectaculaire des taux longs : le rendement des obligations d’État italiennes à dix ans est tombé de 5 % fin 2023 à 3,4 % aujourd’hui. Cette détente soutient le marché immobilier, où les transactions repartent et les prix se redressent, même s’ils demeurent encore faibles en valeur réelle.Enfin, les banques italiennes, autrefois talon d’Achille du pays, affichent désormais des bilans renforcés et un taux de créances douteuses historiquement bas. Le crédit domestique se réactive, alimentant le cycle de reprise.
Si l’Italie surprend par sa résistance, c’est aussi parce qu’elle a préparé cette phase de normalisation depuis plus d’une décennie. De la réforme des retraites (2011) à celle du marché du travail (2014-2015), en passant par la modernisation du droit des faillites (2019-2022), le pays a enchaîné les réformes structurelles souvent douloureuses mais nécessaires.Cette discipline s’est traduite par un effort budgétaire constant : la politique italienne a été très restrictive pendant des années, ce qui lui permet aujourd’hui d’éviter un resserrement brutal pour compenser la crise du Covid. Résultat : le déficit public est contenu à 3 % du PIB, et même légèrement positif hors charges d’intérêt.Certes, la dette publique reste élevée (135 % du PIB), mais les fondamentaux s’améliorent. Les soldes extérieurs sont positifs (excédent courant de 1,5 % du PIB), la balance industrielle affiche un excédent de 6 % et la compétitivité-prix s’est restaurée après une décennie de modération salariale. Ces progrès n’ont pas échappé aux agences de notation : DBRS a récemment relevé la note souveraine italienne à “A-”, saluant une trajectoire budgétaire crédible et une gouvernance stable.L’Italie bénéficie enfin d’un effet de convergence avec le reste de la zone euro. Après avoir décroché de plus de 11 % de PIB par habitant entre 2008 et 2013, le pays commence à combler son retard. L’écart de croissance avec ses voisins se réduit grâce à un mix de réformes, d’aides européennes et de normalisation monétaire.
Reste une inconnue : la productivité, talon d’Achille historique de la péninsule. La démographie déclinante et la faible innovation dans certains secteurs limitent encore le potentiel de croissance à long terme. Les prévisions tablent sur +0,5 % en 2025 et +0,75 % en 2026, une progression modeste mais jugée durable.Dans un contexte où la France inquiète les marchés par sa dérive budgétaire, l’Italie, paradoxalement, apparaît comme un élève vertueux du Sud européen. Son cas illustre qu’une stratégie de consolidation lente mais continue peut porter ses fruits, surtout lorsqu’elle est adossée à une vision industrielle européenne claire.Loin des clichés d’un pays “malade de l’euro”, l’Italie redevient un pilier de stabilité au sein de la zone monétaire. Un modèle qui, sans faire rêver, inspire : la croissance par la constance, plutôt que par la dépense.