Continuer avec Google
Continuer avec Facebook
Continuer avec Apple
La monnaie unique européenne subit une pression notable depuis début octobre, conséquence directe de l'instabilité politique qui secoue la France. Après avoir évolué près de 1,1660 dollar en début de mois, l'euro a franchi plusieurs seuils à la baisse pour atteindre 1,1542 dollar le 9 octobre, son niveau le plus faible depuis huit semaines. Cette dégradation intervient dans un contexte marqué par la démission surprise du Premier ministre Sébastien Lecornu le 6 octobre, suivie de sa renomination quatre jours plus tard, et par les difficultés persistantes à faire adopter un budget pour 2026. Les investisseurs internationaux expriment leur défiance vis-à-vis de la trajectoire budgétaire française, tandis que les responsables économiques tirent la sonnette d'alarme sur les conséquences de cette paralysie politique.
La devise européenne a connu un épisode de faiblesse marquée début octobre, perdant 0,61% pour s'établir à 1,1665 dollar le 6 octobre, jour de la démission de Sébastien Lecornu à peine quatorze heures après la formation de son premier gouvernement. Cette annonce a pris les marchés de court et provoqué une vague de défiance qui s'est amplifiée les jours suivants. Le 9 octobre, la paire EUR/USD a franchi le seuil symbolique de 1,16 dollar pour toucher un plancher à 1,1542 dollar, niveau qui n'avait plus été observé depuis le début du mois d'août. Cette chute s'explique par l'incertitude entourant la capacité de la France à adopter un budget dans les délais constitutionnels, l'échéance du 13 octobre pour le dépôt du projet de loi de finances apparaissant compromise. Les analystes de BBH FX ont indiqué surveiller de près le support technique à 1,1627 dollar, correspondant à la moyenne mobile sur cent jours. Une rupture de ce niveau ouvrirait la voie à un recul vers 1,1575 dollar, voire 1,1500 dollar selon les prévisions les plus pessimistes. À l'inverse, une stabilisation politique pourrait permettre à l'euro de reprendre du terrain vers les résistances situées à 1,1600 puis 1,1650 dollar. Le contexte est d'autant plus délicat que l'agence de notation Fitch a dégradé la note souveraine de la France de AA- à A+ le 12 septembre, pointant un déficit public qui devrait atteindre 5,4% du PIB en 2025 et une dette dépassant 110% du PIB. Les deux autres agences majeures, S&P Global Ratings et Moody's, doivent rendre leurs verdicts respectivement les 28 novembre et 24 octobre, avec un risque de dégradation supplémentaire si aucune trajectoire budgétaire crédible n'est présentée.
L'onde de choc politique s'est immédiatement propagée aux marchés d'actions et obligataires français. Le CAC 40 a cédé 1,36% le 6 octobre, repassant sous le seuil des 8000 points qu'il venait tout juste de reconquérir. Les établissements bancaires ont été particulièrement sanctionnés par les investisseurs, Société Générale abandonnant 4,2%, Crédit Agricole 3,4% et BNP Paribas 3,2%. Cette sensibilité accrue des valeurs bancaires s'explique par leur exposition significative à la dette souveraine française, notamment pour Société Générale dont environ 30% de l'exposition aux obligations souveraines concerne les titres français. Sur le marché obligataire, le rendement de l'OAT à dix ans s'est tendu pour atteindre 3,57% le 6 octobre, contre 3,50% la veille, avant de se stabiliser autour de 3,48% en milieu de semaine. Plus préoccupant encore, l'écart de taux entre la France et l'Allemagne, indicateur clé du risque politique perçu, a grimpé à 87 points de base. Cet écart, qui était d'environ 50 points de base avant la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, traduit la prime de risque croissante exigée par les investisseurs pour détenir de la dette française plutôt qu'allemande. La France emprunte désormais à un taux supérieur à celui de l'Italie, dont le rendement à dix ans s'établit à 3,56%. Cette inversion historique témoigne d'une dégradation de la perception de la solvabilité française sur les marchés internationaux. Les économistes d'Oxford Economics anticipent qu'en l'absence de budget adopté rapidement, le déficit public pourrait dépasser les prévisions gouvernementales, aggravant encore la défiance des investisseurs.
Les responsables économiques français multiplient les mises en garde face à la paralysie politique. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a déclaré le 10 octobre sur RTL être comme tous les Français et en avoir vraiment assez de ce gâchis politique. Le haut fonctionnaire a déploré que la France, traditionnellement locomotive de l'Europe, soit devenue le wagon de queue. Selon ses estimations, l'incertitude politique nationale coûterait au moins 0,2 point de croissance au pays, dans un contexte où la Banque de France table sur une progression du PIB limitée à 0,7% en 2025. Le gouverneur a appelé les partis à faire des compromis et a recommandé de ne pas prévoir un déficit supérieur à 4,8% du PIB en 2026, alors que Sébastien Lecornu évoque désormais un objectif en dessous de 5%, contre 4,6% initialement visé par François Bayrou. Cette révision à la hausse traduit les concessions nécessaires pour éviter une censure parlementaire, le Premier ministre ayant indiqué que l'effort budgétaire serait réduit à 6 ou 9 milliards d'euros contre les 44 milliards envisagés précédemment. L'économiste Eric Dorff a averti que la France allait enfreindre ses engagements envers l'Union européenne et que cette trajectoire était de nature à susciter des augmentations du taux d'intérêt réclamées par les prêteurs. La charge de la dette de l'État, qui devrait atteindre 67 milliards d'euros en 2025, pourrait grimper à 100 milliards d'euros en 2029 selon certaines projections. Sur la scène internationale, Desmond Lachman, ancien directeur adjoint du FMI, a prévenu dans L'Express que la crise française pourrait s'étendre au reste de la zone euro.