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Remontée des taux, retour de l'inflation : bonne ou mauvaise nouvelle ?



Les marchés financiers réagissent fortement à l'augmentation des taux américains. Les investisseurs anticipent un retour de l'inflation, ce qui n'est pas forcément une mauvaise nouvelle.


Temps de lecture : 6 minute(s) - | Mis à jour le 03-03-2021 11:27:00 | Publié le 03-03-2021 10:57  Photo : Shutterstock  
Remontée des taux, retour de l'inflation : bonne ou mauvaise nouvelle ?

Que s'est-il passé ?

Le monde financier a été agité par une brusque remontée du taux des emprunts d'État américain. Cette nouvelle a provoqué quelques remous. Le taux de ces obligations*, qui était déjà passé de 0,5% à 1% entre août et fin 2020, a bondi à 1,5% le 26 février.
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En quoi le taux des obligations américaines est-il important ?

Le taux auquel les États-Unis empruntent pour financer leur dépense publique est considéré comme l'un indicateur de référence dans le monde financier. Ces obligations*, qui représentent au total plus de 20.000 milliards de dollars de dette, passent pour l'un des placements les plus sûrs. La rémunération des « bons du Trésor » est donc scruté avec attention.

Pour estimer la pertinence d'un placement dans un autre actif financier, les investisseurs évaluent le « couple rendement / risque ». Plus l'actif est considéré comme risqué, plus l'écart entre son rendement potentiel et celui d'un placement sans risque (sous entendu celui d'une obligations d'État) doit être important. On appelle cela la « prime de risque ».

Ainsi, toute modification du taux des bons du Trésor peut entraîner un effet cascade sur les marchés financiers. Les investisseurs se repositionnent en vendant leurs titres ou en achetant d'autres, en fonction de la rémunération potentielle qu'ils exigent pour le risque qu'ils estiment prendre.

Le taux des bons du Trésor ne sont pas décidés unilatéralement. Ils dépendent de l'offre et de la demande sur le marché. Autrement dit, si peu d'investisseurs sont d'accord pour prêter de l'argent à l'État, celui-ci devra augmenter son taux pour pouvoir emprunter le montant dont il a besoin. Si au contraire il y a plus de demande que d'offre, les taux pourront baisser. En clair, le taux des obligations dépend de la demande des investisseurs. Celle-ci est fonction de facteurs externes, comme la capacité de remboursement du pays et de nombreux facteurs économiques.


Pourquoi les taux des obligations américaines sont-ils remontés ?


Les investisseurs qui prêtent de l'argent à l'État américain, et pensent ainsi faire un placement sûr, ont considéré que leur rémunération n'était plus suffisante au regard de nouveaux éléments. La demande a donc baissé.

L'argument qui a probablement eu le plus de poids est l'anticipation d'un retour de l'inflation*. Pour rappel, l'inflation peut être résumée par une hausse durable et généralisée des prix des biens et des services. Par ricochet, lorsque le taux d'inflation est supérieur au taux des obligations d'État, les investisseurs perdent donc de l'argent.

Cette fois, ce sont les mesures du plan de relance du président Joe Biden (qui compte injecter 1900 milliards de dollars dans l'économie), qui font craindre une hausse démesurée et néfaste de l'inflation. Des économistes renommés, comme Larry Summers, l'ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, et Olivier Blanchard, ex-chef économiste du FMI, ont fait part de leurs réserves, entrevoient une éventuelle déstabilisation de l'économie.

D'autres indicateurs plaident aussi dans le sens d'un retour de l'inflation, comme la politique « taux zéro » des banques centrales* américaines (la FED) et européenne (la BCE), qui contribue à injecter des liquidités dans le système économique en favorisant les crédits. La « planche à billet » tourne à vive allure.

Le fort recul du nombre de demandeurs d'emplois aux USA, couplé à une avance dans la campagne de vaccination contre le COVID19, laisse également entrevoir un redressement rapide de l'économie, et donc une reprise de l'inflation. Enfin, la hausse constatée du coût des matières premières peut aussi agir sur le niveau des prix. Le pétrole a déjà fortement contribué à l'accélération de l'inflation Outre-Atlantique.


Pourquoi l'inflation a-t-elle une influence sur le système financier ?

Lorsque l'inflation augmente, le cours auquel les investisseurs peuvent revendre leurs obligations baisse, car le pouvoir d'achat généré par leurs futurs revenus baisse également. Puisqu'ils anticipent une hausse de l'inflation, les investisseurs considèrent aussi que la valeur des obligations qu'ils détiennent va baisser. Pour investir à nouveau dans ces titres financiers qui représentent un prêt d'argent à l'État, ils ont donc demandé une rémunération plus élevée.

Par ricochet, la remontée des taux a eu un effet sur d'autres classes d'actifs, à commencer par les actions. La valeur de ces titres financiers correspond, du moins en théorie, à « l'actualisation* » de leurs futurs bénéfices. Par effet mathématique, lorsque les taux des placements sans risque montent, les investisseurs attendent également plus de rendement des placements risqués. Ainsi, si l'anticipation des bénéfices liés aux actions reste équivalente, la rémunération du risque baisse. Les investisseurs veulent alors les payer moins cher les actions pour augmenter leur prime de risque. Les cours baissent.

C'est ce qui s'est produit brutalement suite à la hausse des obligations américaines. Le Nasdaq (principales valeurs technologiques aux USA) a perdu 3,5% sur une journée et le S&P500 (500 plus grandes entreprises américaines) 2,4%, avant de se reprendre le lendemain.

En France, le CAC 40 (qui représente la valeur des 40 plus grandes entreprises de France) a perdu 0,24%, avant de rebondir le jour suivant. Selon les propos de Frédéric Rozier, gestionnaire de portefeuille à Mirabaud France, rapporté par l'AFP, il s'agit d'un « mouvement de rééquilibrage, une phase de consolidation. (...) Le marché prend conscience qu'il y a un vrai risque d'une nouvelle hausse sur les taux longs, d'autant que le seuil de 1,50% » pour le taux d'emprunt américain à dix ans « est fondamental car il correspond au rendement des actions ».

Quels effets sur les taux d'intérêt en France ?

Les taux auxquels emprunte la France ont un peu augmenté. L'OAT à 10 ans, qui fait figure de référence, est repassé brièvement au-dessus de zéro, après être resté négatif durant neuf mois. Bien que ces taux restent historiques, toute hausse du taux d'emprunt demeure un problème : le coût de la dette est alors plus élevé, ce qui pèse sur les finances publiques.

Mais par jeu de vases communicants, les hausses du coût de la dette peuvent être compensés par... une hausse modérée de l'inflation : lorsque les prix s'élèvent, les recettes fiscales augmentent elles aussi. Tout est affaire d'équilibre.

A lire >> La France emprunte à taux négatif : pourquoi les investisseurs paient-ils pour prêter ?

Remontée des taux et retour de l'inflation ne sont pas forcément de mauvaises nouvelles

L'arrivée d'une inflation galopante serait une très mauvaise nouvelle pour l'économie, si elle correspondait à une progression forte et irraisonnée des prix. Ce cas, qui s'est déjà produit plusieurs fois dans l'Histoire, a pour effet direct d'appauvrir les populations et de provoquer de graves crises économiques.

Mais comme disait Paracelse, « c'est la dose qui fait le poison ». Le retour d'une inflation modérée n'est donc pas une mauvaise nouvelle. Elle a pour effet de réduire le poids de la dette de ceux qui empruntent, au premier rang desquels les États. Si elle est accompagnée d'une hausse généralisée du pouvoir d'achat (donc une hausse des salaires), elle stimule la croissance économique.

C'est pour cette raison que les banques centrales américaine et européenne ont, depuis des années, pour mission de maintenir un taux d'inflation annuel autour de 2%. Pour cela, elles agissent notamment sur leurs propres taux directeurs*, qui financent indirectement l'économie. Elles ont aussi mis en place une politique de rachat des obligations d'État, ce qui donne de la liquidité aux investisseurs.

A ce stade, un retour de l'inflation modérée en Europe n'est donc pas considéré comme une mauvaise nouvelle. Selon François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, la récente hausse « ne doit pas être surestimée ; elle reflète principalement des facteurs temporaires plutôt qu'un changement persistant et significatif de la trajectoire de l'inflation. Il n'y a pas de risque de surchauffe en Europe ».

D'après Thomas Giudici, co-responsable de la gestion obligataire chez Salamandre Asset Management, « Difficile de dire si les messages martelés par les membres de la Fed sur le caractère transitoire de la hausse de l'inflation commencent à porter leurs fruits mais cette hausse des taux [...] est davantage, pour les investisseurs, le (bon) signe d'une reprise économique plus vigoureuse qu'initialement attendue qu'un dérapage inflationniste. »

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