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Le gouvernement chinois a décidé d'annuler l'introduction en bourse de Ant Group, la fintech liée à la marketplace Alibaba (équivalent asiatique de Amazon). Ce revers souligne une nouvelle fois l'inquiétude des États face à la montée en puissance des géants du numérique dans le secteur financier.
Ce devait être la plus grosse introduction en bourse de l'Histoire. Le 5 novembre, Ant Group, la filiale financière de la plateforme chinoise Alibaba (équivalent asiatique de Amazon), était sensée lever environ 29 milliards d'euros sur les marchés financiers. Cet évènement était très attendu par beaucoup d'investisseurs. La firme aurait alors pesé plus de 250 milliards d'euros, soit près de 3 fois la capitalisation boursière de toutes les banques françaises réunies (la première, BNP Paribas, pesant 43 milliards d'euros). C'était sans compter un coup de théâtre : deux jours avant le jour J, les autorités chinoises ont décidé de mettre le holà. Le milliardaire Jack Ma, fondateur de la société, a été convoqué devant le régulateur. L'introduction de Ant Group sur les marchés de Shangaï et de Hong Kong a été brusquement suspendue. Dans la foulée, la cotation boursière du titre Alibaba a chuté de plus de 14%.
Ant, qui signifie fourmi en anglais, fait partie du groupe créé en 1999 par Jack Ma. L'homme parti de rien et désormais milliardaire avait commencé par créer un modeste site de e-commerce dans son appartement. A l'époque, peu de personnes avaient accès à Internet à travers le monde. « Une folie », expliquait-il lors de son intervention au salon Vivatech en 2019. Aujourd'hui, le fondateur du géant Alibaba se targue d'avoir contribué à créer « 14 millions d'emplois ». Sa filiale financière Ant Group est venue concurrencer les plus grandes banques mondiales, en réussissant à s'imposer grâce à l'explosion du numérique. Car Jack Ma a profondément bousculé le système bancaire chinois en quelques années. S'appuyant sur plus de 700 millions d'utilisateurs actifs par mois et sur la gigantesque base de données de clients amassée par Alibaba, la firme a révolutionné les habitudes de paiement, de crédit et d'investissement de tout le pays. D'abord en fondant Alipay en 2004, une plateforme destinée à faciliter et à sécuriser les paiements sur Alibaba grâce à une idée simple et séduisante : débiter les clients seulement une fois la commande livrée et le produit conforme. L'offre s'est étoffée avec le temps, en parallèle du développement des nouvelles technologies. Ciblant les particuliers et les petites entreprises, clients délaissés des banques locales, Ant a développé le paiement en ligne, puis le règlement par flash Code, le crédit, les assurances et même la gestion d'actifs. Le développement du paiement par mobile, rendu possible grâce à l'essor des smartphones, a ensuite profondément révolutionné les habitudes des Chinois, qui sortent désormais plus volontiers leur téléphone que leur porte-monnaie pour régler leurs achats. En réussissant son introduction en bourse, Ant Group aurait été le premier des géants du numérique à faire sa place au cœur de la finance mondiale. Mais Pékin ne l'a pas entendu de cette oreille.
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Sentant le danger pour son système bancaire, le régulateur chinois a finalement décidé de stopper la machine en suspendant l'instruction en bourse de Ant Group. Le porte-parole du gouvernement a indiqué vouloir « maintenir la stabilité des marchés financiers et protéger les intérêts des investisseurs ». Il n'est pas exclu que des modifications réglementaires viennent dresser des barrières supplémentaires pour freiner l'essor de la fintech. La réaction du gouvernement chinois reflète les inquiétudes de nombreux pays quant au développement d'acteurs privés sur le secteur financier et surtout monétaire. Le problème n'est pas tant de voir un nouvel acteur prendre des parts de marché aux banques traditionnelles. Il provient surtout d'un risque pour le système financier des États eux-mêmes. Car à l'image du groupe de Jack Ma, les géants du numérique pourraient bien créer des systèmes économiques parallèles qui, en poussant un peu, seraient en mesure de se suffire à eux-mêmes. En centralisant la fourniture de produits de consommation, d'épargne, d'assurance et d'investissement assortis d'un système de paiement également utilisable pour les achats hors plateforme grâce aux téléphones mobiles, les particuliers et entreprises pourraient in fine ne plus avoir besoin d'avoir recours à d'autres acteurs. D'autant que certaines GAFA ont dans l'idée de créer leur propre monnaie virtuelle privée. Si une telle monnaie venait à être mise en circulation auprès de la masse considérable de leurs utilisateurs, rien n'empêcherait que celle-ci concurrence les monnaies nationales. La souveraineté des États pourrait alors être remise en question. Rappelons que 11% de la population mondiale utilise chaque mois un des services fournis par le groupe Alibaba, et que ce chiffre monte à 35% pour Facebook, et probablement plus pour les sites liés à Google dont les chiffres restent difficiles à vérifier. La suspension de l'introduction en bourse d'Ant Group n'est qu'un exemple de ces craintes. Ailleurs sur la planète, d'autres puissances mondiales agissent également. Après avoir contraint la messagerie Telegram à abandonner son projet de monnaie virtuelle, Facebook a également été obligé de revoir ses ambitions à la baisse sur son Libra. Alarmée, la Banque centrale européenne a lancé une grande consultation pour l'éventuelle création d'un « euro numérique » afin de répondre aux nouveaux usages et contrer l'éventuelle apparition d'une monnaie privée. Partout, les régulateurs s'affairent pour encadrer les percées des sociétés numériques sur le secteur financier. Mais les tentatives des GAFA sont loin d'être terminées. Google a annoncé la possibilité d'ouvrir des comptes en banque depuis l'application Google Pay pour 2021. L'initiative sera probablement surveillée de près par les régulateurs.
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