
Le droit de préemption, de quoi s'agit-il ?
Le droit de préemption est un droit contractuel ou légal qui offre à une personne, une entreprise ou une collectivité publique la possibilité d'acquérir en priorité un bien mis en vente. Ce droit peut être accordé à la mairie ou à un locataire.
Le droit de préemption de la mairie
Le Droit de Préemption Urbain (DPU) permet de contraindre un propriétaire à céder son bien à la commune où il est situé. Si par exemple un propriétaire envisage de vendre un logement à Lille et qu'il a trouvé un acquéreur, il devra, avant la finalisation de cette vente, soumettre l'opération à la Mairie de Lille qui pourra se porter acquéreur si elle le souhaite.
Le DPU concerne tous les types de propriétés (maisons individuelles, appartement, terrain, immeubles entiers?) et doit être prévu par une délibération du Conseil municipal. Il est octroyé aux mairies dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un plan d'occupation des sols, (article L211-1 du Code de l'urbanisme).
La mairie et d'autres collectivités publiques peuvent exercer leur droit de préemption si l'intérêt général le justifie, ou dans le cas d'opérations d'aménagement (ZAD). Par exemple, il est courant qu'elles préemptent des immeubles de logements afin de créer des logements sociaux.
Ces entités publiques peuvent se porter acquéreur d'un logement, d'un immeuble, mais aussi de commerces, fonds de commerce et baux commerciaux et fonds artisanaux si un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité est défini.
Les collectivités publiques et notamment les départements peuvent préempter des espaces naturels sensibles dans un soucis de protection ou de préservation de la nature.
Enfin, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) sont aussi titulaire d'un droit de préemption sur les terrains agricoles. Dans ce cas, leur objectif est de revendre le bien à un agriculteur.
Droit de préemption du locataire d'un logement
Les locataires détiennent un droit de préemption sur le logement qu'ils occupent, mais seulement dans certaines conditions. Pour cela, il faut que le propriétaire souhaite vendre le logement libre de toute occupation, et que la vente réponde à l'un de ces 4 critères :
- Le logement est non-meublé et est occupé à titre de résidence principale,
- La vente fait suite à une division ou subdivision d'un immeuble,
- Il s'agit de la vente en bloc d'un immeuble de plus de 5 logements,
- Lorsque la vente porte sur plus de dix logements avec accord collectif de tous les propriétaires personnes morales.
S'il est dans l'un de ces cas, le propriétaire doit délivrer un "congé pour vente" au locataire, au moins 6 mois avant l'échéance du bail. Cette notification, qui doit mentionner le prix et les conditions, est équivalent à une offre de vente. Le locataire a donc la possibilité d'acheter le bien aux conditions retenues par l'acheteur, ou de refuser. Arrivé à échéance, le bail ne sera pas reconduit, et il devra soit avoir acheté soit quitter les lieux.
Le propriétaire d'un bien en location peut aussi vendre le logement en cours de bail. Il s'agit alors d'une vente de logement "occupé". Dans ce cas, le locataire n'a pas de droit de préemption. Mais il peut rester locataire dans les mêmes conditions que celles établies dans son bail.
Le contrat est en effet transmis au nouveau propriétaire, qui aura la charge de lui restituer le dépôt de garantie lors de son départ. Même si le locataire refuse d'acheter le bien, il n'est pas possible d'augmenter son loyer ou de rompre le bail pour cause de vente. Celui-ci se poursuit sans aucune modification, si ce n'est l'identité du propriétaire.
Droit de préemption du locataire d'un commerce
Le locataire d'un local commercial dispose aussi d'un droit de préemption. Le propriétaire doit l'informer de la vente par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), avec un certain formalisme. Le courrier, qui n'est rien d'autre qu'une offre de vente, doit préciser le prix de vente et ses conditions et recopier les 4 premiers paragraphes de l'article L145-46-1 du code de commerce. Le locataire doit ensuite faire part de sa décision dans le mois qui suit la réception de la lettre.
Ces dispositions ne s'appliquent pas dans plusieurs cas, notamment de le cadre de la vente unique de plusieurs commerces ou locaux (centre commercial, immeuble en bloc comprenant un ou plusieurs commerces), de la vente à un membre de la famille proche du propriétaire ou à la copropriété.
Droit de préemption, les démarches et le délai
En fonction du bénéficiaire, l'exercice du droit de préemption connaît quelques subtilités.
La mairie
Lorsque le bien à vendre se trouve dans une zone de préemption, il faut adresser à la commune une déclaration d'intention d'aliéner ou DIA. Sur celui-ci doivent également figurer le prix, les conditions de vente et éventuellement les coordonnées de l'acquéreur. C'est le notaire qui enregistre la promesse de vente qui se charge de cette étape.
Dès que la mairie reçoit le DIA, elle dispose de deux mois pour exercer son droit de préemption. Tout silence dans ce délai équivaut à une renonciation de la vente. Elle peut également décider de préempter le bien dans les conditions exigées par le propriétaire ou alors chercher à négocier. Dans le premier cas, la signature de l'acte authentique peut se faire immédiatement.
Par contre, en cas de négociation, la commune est libre de proposer un prix revu à la baisse. Le vendeur peut alors décider de renoncer à la vente ou de maintenir sa première proposition. En aucun cas il ne peut vendre à un autre acquéreur en ignorant l'offre de la mairie.
Ce principe pousse parfois certains propriétaires à renoncer à la vente de leur bien, l'offre de la mairie étant trop faible. En cas de contentieux, il est possible de saisir le tribunal de grande instance (TGI) pour trancher.
Le locataire
Lorsqu'un propriétaire bailleur souhaite vendre son logement mis en location, il doit donner congé à son locataire dans les six mois qui précèdent la fin de son contrat de location (3 mois en cas de location meublée). Cela se fait impérativement par une lettre recommandée avec accusé de réception ou via un huissier de justice. Dès que le locataire reçoit ce congé, il dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer. Toute absence de réponse vaut refus d'exercer son droit de préemption.
À l'inverse, si le locataire accepte la proposition, il peut obtenir un délai de deux mois supplémentaires s'il envisage de recourir à un crédit pour finaliser cette transaction.
Le locataire peut également bénéficier d'un second droit de préemption. Cela survient lorsque le bailleur décide de vendre son bien à des conditions plus avantageuses que celles proposées lors de son premier droit de préemption. Le cas échéant, un préavis d'un mois doit lui être accordé.
Peut-on éviter le droit de préemption ?

Qu'il s'agisse de la mairie ou d'un locataire, il est possible d'éviter le droit de préemption, mais seulement à certaines conditions.
Dans le cas de la mairie par exemple, le propriétaire peut étudier à la loupe le motif d'intérêt général énoncé pour justifier le recours à la préemption. S'il le juge contestable, il peut tenter d'obtenir gain de cause en saisissant le TGI. De même, les copropriétés de plus de dix ans ou les immeubles de moins de quatre ans ne sont pas concernés par le DPU.
Il existe également la possibilité d'exploiter les limites du droit de préemption des locataires pour l'éviter. En effet, ce droit ne s'applique pas dans les cas ci-après :
- La vente d'un immeuble vétuste ou insalubre,
- La vente d'un logement entre personnes de la même famille (parents ou alliés jusqu'au troisième degré),
- La vente en cours de bail (simple reprise du logement par le nouvel acquéreur avec le locataire déjà en place),
- La location meublée ou de courte durée.
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