Continuer avec Google
Continuer avec Facebook
Continuer avec Apple
L'agence S&P a devancé son calendrier habituel pour dégrader la note française, expliquant cette précipitation par la multiplication récente des motions de censure au Parlement. Selon l'agence, ces tensions politiques limitent drastiquement les progrès envisageables pour assainir les finances publiques. La bataille parlementaire, avec l'élection présidentielle de 2027 en toile de fond, fait craindre une paralysie durable.L'agence établit un lien entre la décision du gouvernement de Sébastien Lecornu de suspendre la réforme des retraites et l'accélération de son verdict. Cette mesure, perçue comme une victoire politique du Parti socialiste, symbolise pour S&P l'impossibilité de mener des réformes structurelles. Pour l'agence, la France traverse une période d'instabilité politique sans précédent depuis la création de la Cinquième République en 1958. Depuis mai 2022, Emmanuel Macron a dû composer avec deux Parlements sans majorité et une fragmentation croissante qui ont conduit à la nomination de six premiers ministres en trois ans. Cette instabilité chronique devient le facteur principal de la dégradation, davantage que les seuls chiffres budgétaires. L'agence estime que l'incertitude sur les finances publiques restera élevée jusqu'en 2027, soit après la prochaine élection présidentielle.
Les projections financières de S&P dressent un tableau préoccupant de la trajectoire budgétaire française. Pour 2025, l'agence considère que le déficit annoncé par Bercy à 5,4 % du PIB sera effectivement tenu. Mais c'est sur l'horizon 2026 que les divergences apparaissent. Là où le gouvernement vise un déficit de 4,7 % du PIB, S&P fait preuve de scepticisme envers les promesses d'efforts budgétaires. Cette différence substantielle révèle une méfiance profonde quant à la capacité du gouvernement actuel à tenir ses engagements dans un contexte parlementaire aussi fragmenté. Sur le front de la dette publique, les chiffres sont tout aussi préoccupants. Alors qu'elle s'établissait à 112 % du PIB fin 2024, S&P prévoit une envolée à 121 % d'ici fin 2028. Cette progression de neuf points en quatre ans illustre une dégradation structurelle qui ne pourra être inversée sans réformes ambitieuses. L'agence ne croit manifestement pas aux intentions affichées par le gouvernement de Sébastien Lecornu, estimant que le contexte politique rend toute consolidation budgétaire illusoire. Cette trajectoire place la France dans une situation délicate face à ses partenaires européens et aux marchés financiers.
La dégradation à A+ modifie sensiblement la perception du risque français sur les marchés financiers. Les investisseurs devront désormais intégrer une prime de risque plus élevée lors de l'achat d'obligations souveraines françaises. Mécaniquement, cela pourra se traduire par une hausse des taux d'intérêt exigés pour détenir de la dette française, alourdissant la charge de la dette pour l'État. Chaque émission obligataire coûterait alors davantage au Trésor public, amputant d'autant les marges de manœuvre budgétaires futures. Pour les investisseurs institutionnels, notamment les fonds de pension et les assureurs qui détiennent massivement de la dette française, cette dégradation implique une réévaluation de leurs portefeuilles. Certains mandats de gestion imposent des seuils de notation minimaux, ce qui pourrait forcer des ventes d'obligations françaises. L'écart de rendement entre les obligations françaises et allemandes, le fameux spread, risque aussi de se creuser davantage. À moyen terme, si aucun redressement budgétaire crédible n'est engagé, de nouvelles dégradations ne peuvent être exclues. La perspective reste stable selon S&P, mais cette stabilité demeure conditionnée à l'adoption d'un budget cohérent d'ici fin 2025, un pari loin d'être gagné dans le climat politique actuel.