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Dernière mise à jour : 07/11/2025 - 14h07
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L’audace, nouveau refuge des épargnants

Dans un contexte de dette publique record et de rendements d’État sous pression, la frontière entre risque et sécurité s’efface. Pour Laurent Chaudeurge, membre du comité d’investissement de BDL Capital Management, le véritable risque aujourd’hui pour les épargnants est de ne plus en prendre.

L’audace, nouveau refuge des épargnants
Temps de lecture : 2 minute(s) - Par | Publié le 23-10-2025 05:30

Quand l’actif sans risque perd son statut

Longtemps, les obligations d’État ont représenté le socle de la finance mondiale : des titres sûrs, liquides, servant de référence à l’évaluation de tous les autres actifs. Mais cette logique s’érode. Dans sa dernière tribune, Laurent Chaudeurge (BDL Capital Management) rappelle que la notion d’actif sans risque s’est progressivement vidée de son sens, notamment dans les pays développés. En théorie, la dette souveraine est considérée comme indéfaillible : un État peut lever l’impôt, ajuster ses recettes ou modifier la législation pour honorer ses engagements.

En pratique, les marges de manœuvre fiscales et budgétaires s’amenuisent. En France, l’examen laborieux du budget 2026 illustre cette impasse : ni hausses d’impôts ni coupes massives ne semblent politiquement envisageables. Résultat, l’État n’a plus la liberté d’action qui justifiait historiquement son statut de débiteur « sans risque ». Ce glissement s’accompagne d’un phénomène inédit : certaines grandes entreprises françaises empruntent désormais à des taux inférieurs à ceux de la dette souveraine. Une inversion des courbes de financement déjà observée lors de crises extrêmes (comme celle de la zone euro), mais qui survient cette fois sans choc systémique majeur. L’explication tient à la crédibilité financière croissante de certains émetteurs privés mondialisés, capables de générer des flux de trésorerie solides et récurrents, à la différence d’États structurellement déficitaires.

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Des entreprises plus solides que les États

Ce renversement des perceptions traduit une tendance de fond : les grandes entreprises internationales bien gérées disposent d’atouts que les États n’ont plus. Elles peuvent ajuster leurs prix, réduire leurs coûts et diversifier leurs marchés à l’échelle mondiale. Leur endettement est souvent stable ou en baisse, et leur trésorerie abondante.

À l’inverse, la plupart des gouvernements occidentaux voient leur dette publique croître inexorablement sous l’effet combiné du vieillissement démographique, du financement des transitions énergétique et numérique et du réarmement budgétaire. Cette divergence de trajectoire est amplifiée par la mondialisation des capitaux : les entreprises peuvent se refinancer partout, tandis que les États restent liés à la base fiscale de leur population, de plus en plus mobile.

Chaque année, observe Chaudeurge, les entreprises redistribuent davantage à leurs actionnaires, via dividendes et rachats d’actions, alors que les États sollicitent toujours plus leurs créanciers. Pour les épargnants, cette asymétrie remet en question la hiérarchie traditionnelle entre actifs sûrs et risqués. En privilégiant encore massivement les placements garantis — livrets réglementés ou fonds en euros —, les Français financent un État dont la solvabilité se dégrade, tout en négligeant les opportunités offertes par le capital productif. Le paradoxe est frappant : le pays compte parmi les plus grands taux d’épargne au monde, mais à peine 6 % de cette épargne est investie en actions cotées, contre près de 30 % aux États-Unis.


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L’investissement, un risque désormais calculé

La remise en question de la dette souveraine comme pilier du « sans risque » ne signifie pas que les marchés d’actions soient devenus sûrs. Mais elle incite à repenser la notion de risque dans le temps long. À horizon de dix ans, les grandes entreprises internationales disposent de marges de manœuvre bien plus importantes que les États pour s’adapter aux chocs économiques ou géopolitiques. Elles constituent ainsi, selon Chaudeurge, une source de rendement et de stabilité mieux alignée sur les intérêts des épargnants de long terme.

Cette lecture ne relève pas de la provocation intellectuelle : elle rejoint un constat partagé par de nombreux gérants d’actifs. Le véritable danger pour un investisseur n’est plus la volatilité ponctuelle des marchés, mais la sous-exposition chronique aux actifs risqués dans un monde où la valeur du capital public s’érode. Pour reprendre la formule de l’expert, « l’audace est devenue bien moins risquée que l’immobilisme ».