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L’action Oracle (NYSE : ORCL) connaît une ascension fulgurante en 2025, avec une progression de plus de 80 % depuis janvier et des revalorisations d’objectifs de cours spectaculaires de la part des analystes. Porté par un carnet de commandes record (RPO à 455 milliards de dollars, +359 %), le groupe a publié des résultats trimestriels solides, confirmant la montée en puissance de son cloud et son ancrage dans la vague de l’intelligence artificielle. Mais derrière cet engouement, la valorisation et certains signaux techniques appellent à la prudence. Le titre, déjà multiplié par plus de 7 en dix ans, peut-il continuer à surprendre ?
Oracle a longtemps été identifié comme un acteur historique des bases de données et des solutions logicielles pour entreprises. Mais depuis quelques années, sous l’impulsion de Safra Catz et Larry Ellison, la stratégie s’est recentrée sur deux axes majeurs : le cloud et l’intelligence artificielle. Au premier trimestre de l’exercice fiscal 2026, Oracle a publié un chiffre d’affaires de 14,9 milliards de dollars, en hausse de 12 % en USD et 11 % en devises constantes. La dynamique est clairement tirée par le cloud : les revenus IaaS et SaaS ont atteint 7,2 milliards de dollars, en croissance de 28 %. Dans le détail, l’infrastructure cloud (OCI) s’impose comme le principal moteur (+55 % à 3,3 milliards), tandis que les applications cloud (SaaS) progressent de 11 % à 3,8 milliards. Les offres phares Fusion Cloud ERP et NetSuite ont chacune franchi le cap du milliard de revenus trimestriels, confirmant leur rôle central dans l’adoption des solutions Oracle par les grandes entreprises. Le contraste est fort avec l’activité logicielle traditionnelle, en léger recul (-1 % à 5,7 milliards). Cette bascule illustre la réussite de la transformation stratégique opérée depuis plusieurs années : Oracle ne se contente plus de défendre ses positions historiques, il s’impose désormais comme un acteur crédible du cloud face à AWS, Microsoft Azure et Google Cloud. Mais le fait marquant réside dans la croissance exponentielle du carnet de commandes (RPO), qui s’élève désormais à 455 milliards de dollars (+359 %). Cette visibilité exceptionnelle dans le secteur technologique découle de la signature de quatre contrats pluriannuels majeurs au premier trimestre. Safra Catz a annoncé que ce niveau inédit permet de relever fortement les objectifs financiers, avec une projection de revenus OCI atteignant 18 milliards de dollars en 2026, puis 32, 73, 114 et 144 milliards sur les quatre années suivantes. Autrement dit, la majorité de cette trajectoire est déjà sécurisée dans le RPO. Larry Ellison a de son côté insisté sur l’explosion des revenus multi-cloud, en hausse de 1 529 % au T1, grâce aux partenariats avec Amazon, Google et Microsoft. Cette stratégie de coopération plutôt que de confrontation frontale avec les hyperscalers change profondément le profil du groupe et lui offre une crédibilité nouvelle dans un marché où l’interopérabilité est désormais clé. À cela s’ajoute l’annonce prochaine de l’Oracle AI Database, un service permettant d’intégrer directement des modèles d’IA générative (Gemini, ChatGPT, Grok) dans les bases de données Oracle. Ce positionnement à la frontière entre cloud et intelligence artificielle constitue un levier de croissance potentiellement massif.
Les résultats du premier trimestre 2026 confirment la capacité d’Oracle à générer de la rentabilité dans sa mutation. Le résultat opérationnel GAAP s’établit à 4,3 milliards de dollars, tandis que le non-GAAP atteint 6,2 milliards, en hausse de 9 % sur un an. Le résultat net GAAP ressort à 2,9 milliards, et le non-GAAP à 4,3 milliards, en progression de 8 %. La marge opérationnelle reste robuste, avec un historique moyen de 30,6 %, nettement supérieur à la moyenne du secteur technologique (7,1 %). Les flux de trésorerie opérationnels sur douze mois atteignent 21,5 milliards de dollars, en hausse de 13 %. Ce niveau de cash-flow confère au groupe une flexibilité importante pour financer ses investissements massifs dans les datacenters et le développement de services IA, tout en continuant à rémunérer ses actionnaires. Le conseil d’administration a ainsi confirmé le versement d’un dividende de 0,50 dollar par action, offrant un rendement indicatif de 0,9 % sur la base des cours actuels. Sur le plan bilanciel, Oracle affiche toutefois une structure marquée par un fort levier. Les dettes à long terme s’élèvent à près de 88 milliards de dollars en 2025, soit plus de 50 % du total passif. Les capitaux propres ont progressé (20,5 milliards en 2025 contre 8,7 milliards en 2024), mais restent faibles comparés au poids de l’endettement et à la taille du bilan (168 milliards). Le ratio de liquidité court terme reste fragile (0,8), ce qui traduit une dépendance aux flux de trésorerie pour couvrir les besoins de financement immédiats. En matière de rentabilité, le ROE (Return on Equity) affiche une moyenne historique exceptionnelle (269 %), reflet d’un modèle très capital-efficient. Mais le chiffre le plus récent (61 %) marque un net repli, indiquant que la rentabilité des fonds propres tend à se normaliser. Cette évolution mérite attention : l’hyper-efficience passée ne sera peut-être pas reproductible à mesure qu’Oracle renforce ses investissements dans les infrastructures. En résumé, Oracle combine des revenus en forte croissance, une marge structurellement élevée et une capacité de génération de cash impressionnante. Mais l’endettement demeure un facteur à surveiller dans un contexte de hausse des taux et de concurrence féroce dans le cloud.
La dynamique d’Oracle repose sur plusieurs catalyseurs puissants. En premier lieu, la visibilité exceptionnelle du carnet de commandes (RPO) constitue un socle rarement observé dans le secteur technologique. La transformation de ces engagements en revenus récurrents sur plusieurs années assure une base solide de croissance. De plus, l’essor des partenariats multi-cloud et l’intégration de services IA différencient Oracle de ses concurrents, en l’installant comme un partenaire complémentaire plutôt qu’un rival frontal des hyperscalers. Cette stratégie opportuniste lui permet de capter une part croissante d’un marché où l’IA est devenue un enjeu majeur. Deuxième catalyseur, la croissance des revenus cloud. L’OCI progresse de 55 % en un trimestre, et la direction anticipe un triplement du chiffre d’affaires en quelques années. Cette trajectoire, si elle se confirme, positionnerait Oracle parmi les leaders du cloud mondial, aux côtés de Microsoft, AWS et Google. Troisième catalyseur, l’intelligence artificielle. L’annonce du futur Oracle AI Database, combinée à l’explosion de la demande générée par l’IA générative, offre une opportunité unique de monétisation des données d’entreprise. La promesse d’un accès direct aux modèles les plus avancés (Gemini, ChatGPT, Grok) depuis les bases de données Oracle peut séduire des dizaines de milliers de clients existants, et générer une consommation récurrente accrue. Cependant, plusieurs freins subsistent. D’abord, la pression concurrentielle. Si Oracle progresse rapidement, AWS, Microsoft et Google disposent de moyens considérables et d’un avantage d’échelle encore marqué. La bataille du cloud se joue sur les prix, la performance, mais aussi la capacité à attirer et fidéliser les développeurs. Oracle devra continuer à démontrer sa compétitivité technologique. Ensuite, la valorisation suscite des interrogations. Avec un PER prévisionnel de 27,8, le titre se négocie avec une prime de 26 % par rapport à la moyenne du secteur technologique (22,1). Certains analystes considèrent ainsi l’action comme légèrement surévaluée.
L’euphorie des marchés est palpable : en septembre 2025, pas moins d’une quinzaine d’analystes ont relevé leur objectif de cours, parfois de façon spectaculaire. Citigroup est passé de 240 à 410 dollars, Wolfe Research à 400, TD Cowen à 375, Melius Research à 370. UBS et Jefferies visent 360, tandis que Deutsche Bank, BMO, Mizuho ou Stifel convergent autour de 335 à 350 dollars. Même les plus prudents, comme JP Morgan (270 $) ou RBC (310 $), ont nettement revalorisé leur estimation. Depuis, l’action a poursuivi son rally, atteignant plus de 301 $ mi-septembre, soit déjà bien au-delà de cet objectif. Ce décalage entre le consensus fondamental et l’optimisme du marché traduit l’impact des catalyseurs liés à l’IA, mais aussi le risque de surchauffe. En termes de valorisation relative, Oracle se paie plus cher que Microsoft (PER 27,0) ou Intuit (25,2), mais reste loin des multiples extravagants de Palantir (163). Le dividende, modeste (0,9 %), n’est pas l’argument central de l’investissement, mais sa distribution régulière et couverte par les bénéfices en fait un complément de rendement sûr. La sensibilité du titre est jugée moyenne (beta 1,41) : Oracle amplifie les mouvements du marché, mais reste corrélé à seulement 34 % avec le S&P 500. Sa volatilité sur 12 mois (43,7 %) souligne un profil d’investissement dynamique, adapté aux portefeuilles tolérants au risque.
Oracle a réussi une transformation que beaucoup jugeaient improbable il y a dix ans. D’un acteur perçu comme vieillissant, il est devenu l’un des champions de la révolution cloud et IA, au prix d’une réinvention de son modèle. Les chiffres du T1 2026, l’explosion du carnet de commandes et la vague de contrats pluriannuels confortent cette trajectoire. Pour un investisseur, l’action présente un profil contrasté. À court terme, les relais de croissance sont nombreux, et le consensus des analystes anticipe une poursuite de la hausse. Mais la valorisation élevée incite à la prudence. Dans un portefeuille, Oracle peut être considéré comme une position cyclique de croissance technologique, fortement exposée aux thématiques d’IA et de cloud, mais avec un niveau de risque supérieur à la moyenne. À long terme, si la conversion du carnet de commandes et l’adoption de l’AI Database se concrétisent, Oracle pourrait s’imposer comme l’un des grands bénéficiaires de l’industrialisation de l’intelligence artificielle dans le cloud. Le timing d’entrée reste une question clé : après un parcours boursier de +80 % depuis janvier et une multiplication par 7 en dix ans, l’investisseur exigeant attendra sans doute des points de confirmation avant d’accroître son exposition.