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Alors que la cryptomonnaie approche de ses limites d'émission, une nouvelle dynamique semble s'installer sur les marchés : celle de la rareté. L'évolution des comportements d'accumulation, conjuguée à une offre plafonnée, redessine les équilibres structurels autour du principal actif numérique.
Depuis sa création en 2009, le protocole Bitcoin prévoit une émission maximale de 21 millions d’unités. À l’été 2025, plus de 19,8 millions de bitcoins ont déjà été mis en circulation, soit environ 95 % de l’offre totale. Cette rareté programmée n’est pas nouvelle, mais les dynamiques récentes de détention à long terme modifient profondément le paysage de l’offre disponible sur les marchés. Selon une étude publiée par Fidelity Digital Assets, une part croissante de l’offre circule de moins en moins. Deux groupes principaux sont identifiés comme moteurs de cette illiquidité croissante : les portefeuilles inactifs depuis plus de sept ans, et les entreprises cotées détenant plus de 1 000 bitcoins. Ensemble, ces deux catégories devraient concentrer plus de six millions de bitcoins d’ici fin 2025, soit près de 28 % de l’offre totale prévue. L’analyse historique montre que les bitcoins « anciens » — n’ayant pas été déplacés depuis au moins sept ans — augmentent de manière continue depuis 2016. Parallèlement, les entreprises cotées, bien qu’arrivées plus récemment dans l’écosystème, détiennent aujourd’hui plus de 830 000 bitcoins. Cette tendance a pris de l’ampleur depuis la seconde moitié de 2024, marquée par l’entrée renforcée de grands acteurs économiques dans le champ des cryptomonnaies. À ce jour, 97 % des bitcoins détenus par des entreprises publiques sont concentrés entre les mains de 30 sociétés, illustrant une centralisation notable de cette stratégie d’accumulation.
Cette dynamique est confirmée par les données sur la liquidité de l’offre, selon l'étude. Depuis 2020, les périodes où l’offre illiquide recule d’un trimestre à l’autre sont extrêmement rares. Le comportement des détenteurs semble s’orienter davantage vers une stratégie de « buy-and-hold » que vers une logique transactionnelle. En d’autres termes, le bitcoin sort progressivement des circuits d’échange pour se loger dans des portefeuilles inactifs. Le cas des bitcoins dormants depuis plus de 10 ans — parfois qualifiés d’"anciens » — illustre la complexité de l’analyse. En juillet 2025, environ 80 000 bitcoins issus de cette catégorie ont été déplacés, remettant en question leur caractère véritablement illiquide. Ce mouvement ponctuel pourrait traduire une volonté de prendre des bénéfices à l’approche de nouveaux sommets historiques, ou un changement dans les anticipations des détenteurs de longue date. La proportion de l’offre devenue illiquide au fil du temps révèle une inflexion notable. Entre 2009 et 2017, cette part diminuait progressivement, traduisant une phase de découverte et d’expérimentation. Depuis 2021, on assiste à un retournement, marqué par la montée en puissance de l’adoption institutionnelle. Ainsi, les bitcoins émis en 2018 sont à près de 30 % devenus illiquides selon les critères définis par Fidelity, tandis que les projections pour les bitcoins en circulation en 2025 estiment que 42 % d’entre eux seront considérés comme tels d’ici 2032. Cette projection repose sur une extrapolation des tendances passées, en supposant que le rythme de croissance de l’illiquidité observé sur les dix dernières années se maintient. Elle n’intègre toutefois pas de nouveaux entrants institutionnels, ce qui suggère que l’effet de rareté pourrait être sous-estimé en cas d’accélération de l’adoption.
Les effets de cette accumulation se ressentent déjà sur le marché : fin août 2025, le bitcoin a franchi un nouveau seuil au-delà de 124 000 dollars. Si la rareté est l’un des paramètres fondamentaux de son modèle économique, elle devient aujourd’hui une réalité tangible. Dans un contexte de demande croissante, notamment de la part d’investisseurs institutionnels et potentiellement d’États, la réduction continue de l’offre disponible crée une pression sur les prix. L’étude de Fidelity met en évidence le rôle central des entreprises dans cette dynamique. Leur capacité à retirer durablement du marché des volumes importants de bitcoins fait d’elles des acteurs stratégiques de cette transformation. Mais cette stratégie n’est pas sans risque : une hausse prolongée du prix pourrait inciter certains détenteurs à réaliser leurs gains, relâchant ainsi une partie de l’offre retenue. L’évolution future dépendra en grande partie du cadre réglementaire, encore en mouvement, et de la manière dont les autorités aborderont la question des réserves en actifs numériques. Le développement de produits financiers adossés à bitcoin, comme les ETF, pourrait également contribuer à renforcer cette tendance à l’illiquidité en encourageant une détention indirecte à long terme. Enfin, la trajectoire du bitcoin demeure sujette à des inconnues. Si une partie importante des bitcoins considérés comme illiquides venait à être mobilisée soudainement, les effets sur la liquidité et les prix pourraient être significatifs. À l’inverse, une poursuite de l’adoption et une stricte conservation de ces actifs pourraient consolider un régime de rareté durable.