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Airbus, Thales et Leonardo unissent leurs forces pour créer un champion européen du spatial. Ce projet de fusion, encore en phase de protocole d’accord, pourrait bouleverser l’équilibre industriel du Vieux Continent. Derrière cette alliance, un objectif clair : reprendre la main sur l’espace face aux géants américains et chinois, et bâtir une souveraineté technologique durable.
C’est un tournant industriel majeur. Les trois poids lourds européens — Airbus, Thales et Leonardo — ont signé un memorandum of understanding (MoU) pour regrouper leurs activités spatiales au sein d’une entité commune.Le futur groupe pèserait environ 6,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et rassemblerait près de 25 000 salariés, avec un siège pressenti à Toulouse, cœur historique de l’aéronautique européenne.
Cette alliance regrouperait Airbus Space Systems, Thales Alenia Space et Telespazio, couvrant ainsi toute la chaîne de valeur : conception de satellites, observation de la Terre, connectivité, géolocalisation et services de défense.
« L’Europe veut éviter que l’espace devienne un nouveau Far West dominé par SpaceX ou Amazon Kuiper », analyse Antoine Fraysse-Soulier, analyste de marché chez eToro. « La fusion vise à donner au continent une puissance industrielle capable de rivaliser sur la durée. »
Cette logique de souveraineté technologique répond à un impératif politique : reprendre le contrôle sur des infrastructures critiques (observation, télécoms, cybersécurité) dans un contexte géopolitique tendu et face à la dépendance croissante aux technologies étrangères.
L’Europe spatiale reste fragmentée : chaque pays dispose de son propre écosystème, ses usines, ses satellites, ses priorités nationales. Ce morcellement pèse sur la compétitivité. En fusionnant leurs entités, les trois industriels espèrent rationaliser la R&D, mutualiser les chaînes de production et accélérer les programmes.
Objectif : réduire les doublons, mutualiser les coûts et répondre plus vite aux appels d’offres publics européens, notamment ceux de l’ESA (Agence spatiale européenne) et de la Commission européenne.
« Cette consolidation peut permettre de réduire le retard accumulé sur les constellations de satellites à orbite basse », estime un expert du secteur. « Elle donnera aussi plus de poids à l’Europe dans les grands programmes militaires et civils. »
Le projet s’inscrit dans une vision long terme : création d’un écosystème intégré, capable d’accompagner l’essor du New Space européen, cette génération de start-up innovantes qui bouscule les modèles établis.Mais l’ambition a un prix : fusionner trois géants nationaux, chacun protégé par son gouvernement, relève d’un véritable exercice d’équilibriste.
Au-delà de la compétition économique, cette alliance répond à une ambition stratégique : assurer la place de l’Europe dans la nouvelle course à l’espace.Alors que les États-Unis multiplient les lancements commerciaux et que la Chine accélère ses programmes militaires, l’Europe veut éviter le déclassement technologique.Avec ce projet, le Vieux Continent se dote enfin d’un instrument à la mesure de ses ambitions : un acteur intégré, capable de développer, fabriquer et opérer ses propres constellations, tout en soutenant ses start-up et ses PME innovantes.
Si elle se concrétise, la fusion Airbus-Thales-Leonardo pourrait symboliser un tournant : celui d’une Europe qui choisit la puissance industrielle plutôt que la dispersion technologique. Un pari audacieux, mais nécessaire pour que le ciel européen reste, aussi, une zone d’influence stratégique.