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La dette fédérale américaine dépasse des seuils critiques et son financement devient de plus en plus dépendant des taux de la Fed. Entre stratégie budgétaire contestée, tensions politiques et défiance des marchés, le coût du capital américain apparaît structurellement orienté à la hausse.
La charge d’intérêts sur la dette fédérale américaine a franchi un cap symbolique et inquiétant : plus de 1 000 milliards de dollars par an, soit environ 20 % des recettes fiscales du pays fin 2024. Jamais depuis le début des années 1990 ce ratio n’avait atteint un tel niveau. À l’époque, Washington avait dû engager une consolidation budgétaire brutale. Aujourd’hui, la situation est différente mais les mécanismes de financement fragilisent encore davantage la trajectoire des finances publiques.Depuis deux ans, le Trésor américain a volontairement augmenté la part des T-Bills (titres à court terme) dans ses émissions, la portant à 22 % du stock de dette contre une cible officielle située entre 15 % et 20 %. Cette orientation est connue sous le nom d’Activist Treasury Issuance (ATI), une stratégie décrite par Stephen Miran, ex-conseiller économique de l’administration Trump, comme une forme de « quantitative easing fiscal ». L’idée : réduire artificiellement les taux longs en raréfiant l’offre d’obligations à maturité 10 ou 30 ans.Le mécanisme a fonctionné un temps : en trois trimestres, Miran estime que l’ATI a comprimé les taux longs d’environ 25 points de base, soit l’équivalent d’un assouplissement monétaire de 100 points de base par la Fed. Mais cette stratégie atteint ses limites : la dépendance croissante aux T-Bills expose désormais le budget fédéral à une variation quasi immédiate des taux directeurs. En voulant échapper au carcan monétaire, le Trésor s’y est en réalité enchaîné.
Cette divergence de trajectoires entre la Réserve fédérale et le Trésor est au cœur du problème. La Fed reste focalisée sur la maîtrise d’une inflation jugée encore instable. Le Trésor, lui, cherche à alléger à court terme le coût de sa dette. Dans ce jeu d’équilibre impossible, les investisseurs savent déjà que, quoi qu’il arrive, les taux longs finiront par remonter.Deux scénarios s’offrent en effet : soit la Fed cède aux pressions de l’administration et assouplit trop vite sa politique monétaire, ce qui relancerait les anticipations d’inflation et pousserait mécaniquement les taux longs à la hausse ; soit elle résiste, contraignant le Trésor à rallonger ses émissions et à réintroduire massivement des obligations de maturité longue… ce qui augmenterait aussi les rendements demandés par le marché. Dans les deux cas, la conclusion est identique : le coût du capital américain grimpe durablement.Ce constat intervient dans un contexte déjà fragile : valorisation record des actions américaines (le S&P 500 évolue à des multiples proches de ceux de la bulle TMT), affaiblissement du dollar qui inquiète les investisseurs internationaux et tensions politiques croissantes à l’approche des élections. Comme le résume Laurent Chaudeurge, membre du comité d’investissement de BDL Capital Management, « les objectifs poursuivis par les deux institutions les plus influentes en matière de politique économique sont devenus antagonistes ».