
Un krach boursier révèle des fragilités économiques
Une baisse brutale des cours de bourse ne vient pas de nulle part. Si le recul est généralisé, il reflète les profondes inquiétudes des investisseurs quant à l'avenir proche de l'économie réelle, et met en lumière un problème économique ou financier sous-jacent.
Lorsque la valeur des actions chute fortement et de façon globale, ce mouvement baissier est qualifié de « krach boursier ». Cet évènement est heureusement rare. Mais lorsqu'il survient, il présage un ralentissement de l'activité économique avec des impacts sur nos vies quotidiennes. Pourquoi ? Parce que même si ces deux mondes paraissent éloignés, les marchés financiers et l'économie réelle sont intimement liés.
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L'Histoire retient une douzaine de krachs boursiers. Le premier est survenu en 1637 au Pays-Bas, suite à une bulle financière créée sur le marché de la Tulipe. Au XXème siècle, le « jeudi noir » de 1929 a entraîné la planète entière dans une grave et durable crise : la Grande Dépression. Il avait à sa source une bulle spéculative sur les achats à crédit. Plus récemment, la bulle spéculative autour des nouvelles technologies et d'Internet a pris fin avec un éclatement en 2000. En 2008, c'est à cause de crédits immobiliers toxiques que la crise des subprimes est déclenchée.
La chute des cours de bourse entraîne une crise du crédit
Lorsqu'un mouvement baissier est enclenché brutalement sur les marchés financiers, cela signifie que les investisseurs craignent une baisse de l'activité économique et une chute du profit des entreprises. Ils vendent massivement leurs actions.
Ces cessions massives ont une conséquence directe : si le pessimisme dure, un climat de crainte s'installe. Les grandes entreprises ont alors des difficultés croissantes à se financer en bourse. Mais les sociétés non cotées (qu'elles soient petites ou grandes) ainsi que les particuliers voient aussi leur accès au crédit restreint : les banques prêtent beaucoup plus difficilement.
Pourquoi les banques rechignent à prêter en cas de crise ?

Avec les incertitudes et le recul de l'économie, prêter de l'argent aux ménages et aux entreprises devient plus risqué pour les banques. Face au risque de défaut de remboursement auquel elles font face, elles doivent reconstituer leurs fonds propres en prêtant moins. Elles sont donc tentées d'augmenter les taux d'intérêt des nouveaux crédits pour matérialiser un risque supplémentaire. En parallèle, les critères d'acceptation des dossiers de prêt se durcissent.
Plus globalement, le climat morose entraîne une perte de confiance de la plupart des agents économiques (ménages, entreprises, banques...), et un certain attentisme.
La perte de confiance mène à la destruction d'emplois
Dans ce contexte, les petites et moyennes entreprises, ainsi que les artisans et commerçants, souffrent particulièrement. La restriction des crédits les prive de la trésorerie nécessaire pour faire face à leurs charges : paiement des salaires, des cotisations, des taxes, des fournisseurs et des factures courantes.
Faute de trésorerie, les entreprises cherchent à résister en réduisant leurs coûts. Elles commencent alors par reporter leurs investissements. Puis elles réduisent ou rompent les contrats avec leurs fournisseurs, qui voient leurs carnets de commande se vider. Elles sont aussi contraintes à reporter leurs embauches, voire à licencier pour survivre.
Certains de ces acteurs se retrouvent rapidement au bord du dépôt de bilan. Lors de la crise de 2008, la Coface, un organisme spécialisé dans l'assurance de crédit pour les entreprises, a par exemple constaté une augmentation de 15% de la faillite des petites entreprises dès le premier mois de la crise.
Le ralentissement de l'économie a rapidement des conséquences sociales. Le chômage augmente, les revenus des ménages baissent. Les plus fragiles sont les premiers à subir les conséquences d'une crise qui s'installe. Les perspectives économiques globales se dégradent encore, ce qui contribue à amplifier la spirale du recul.
Des conséquences sur les finances publiques
Le ralentissement de l'économie a aussi un impact direct sur les finances de l'État.
Le budget annuel est en effet calé sur des prévisions de croissance. Les recettes fiscales sont notamment prévues d'après une estimation des revenus futurs des ménages et entreprises, qui vont être soumis à l'impôt.
Pour construire son budget et anticiper ses dépenses, l'État va par exemple prévoir les recettes de TVA de l'année à venir en estimant un taux de croissance. Si l'activité économique est ralentie, les recettes de TVA vont être plus basses que prévue (moins de vente de produits et de services). Signalons que la TVA représente près de la moitié des recettes annuelles de l'État.
Si les rentrées d'argent diminuent, l'État doit soit renoncer à des dépenses, soit creuser son déficit en empruntant de l'argent sur les marchés financiers. Sa dette va alors augmenter. En septembre 2019, selon l'INSEE, la dette publique de la France dépassait 100% du produit intérieur brut (richesses produites chaque année dans le pays).
Outre la réduction de ses rentrées d'argent, une crise économique peut imposer à l'État des dépenses non-prévues pour soutenir l'économie. Des mesures qui doivent elles aussi être financées.
La relance par la baisse des taux directeurs : le rôle de la Banque centrale européenne
Trois facteurs viennent donc accentuer le ralentissement de l'économie. D'une part, les ménages et les entreprises perçoivent moins de revenus et consomment moins. D'autre part, il leur est plus difficile de se financer à crédit. Les incertitudes quant à l'évolution de l'économie vont aussi les inciter à épargner plutôt qu'à dépenser.
Enfin, les finances publiques sont impactées, obligeant l'État soit à renoncer à des dépenses qui auraient pu profiter directement ou indirectement à l'économie, soit à augmenter les impôts à moyen terme avec pour effet une perte de pouvoir d'achat.
La consommation de produits et de services va donc baisser avec des conséquences directes sur l'activité des entreprises. Pour enrayer la crise ou au moins la ralentir, les pouvoirs publics doivent alors relancer la consommation en libérant les crédits grâce à leur politique monétaire. La banque centrale peut prendre la décision de baisser ses taux directeurs, afin d'inciter les banques à prêter de l'argent aux agents économiques.
La banque centrale européenne (BCE) a notamment deux leviers. Le premier consiste à baisser les taux d'intérêt auxquels les banques viennent se financier auprès d'elle. Le second consiste à baisser le taux de rémunération de leurs dépôts (les banques sont en effet dans l'obligation de placer une partie de leur trésorerie auprès de la banque centrale). Ce taux peut même être négatif : dans ce cas les établissements bancaires doivent payer la banque centrale lorsqu'ils y déposent de l'argent. Il devient rapidement plus rentable pour eux de prêter de l'argent aux ménages et aux entreprises, plutôt que de conserver des liquidités.
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La banque centrale émet la monnaie d'un pays (ou d'une zone comme la zone Euro) et exécute la politique monétaire définie.
Bulle immobilière :
La "bulle immobilière" est une théorie faisant référence au terme de bulle financière. L'expression désigne une situation dans laquelle le prix des biens immobiliers serait fortement surévalué par rapport à leur prix réel.
Les "bulles" sont généralement liées au phénomène de spéculation. Dans ce cas, les biens ne sont plus achetés pour leur valeur d'usage, mais pour leur valeur d'échange. Les prix montent alors rapidement et de façon continue, ce qui pousse certains investisseurs à acheter pour revendre rapidement.
Les bulles sont généralement suivies d'un "krack" : après une période d'euphorie pendant laquelle les prix n'ont plus de commune mesure avec la valeur d'usage, le marché se bloque subitement. Les individus sont alors poussés à vendre pour ne pas perdre d'argent. Ce phénomène de masse entraîne une violente baisse des prix.
En matière d'immobilier en France, les théories s'affrontent sur l'existence ou non d'une bulle. Les prix sont en effet hauts depuis 2005, entretenus par des taux d'intérêts de crédit historiquement bas. L'existence d'une bulle impliquerait un prochain "krach", cependant le marché immobilier, notamment résidentiel, est très peu spéculatif, et les baisses de prix, cycliques, restent limitées.
La bulle immobilière est particulièrement dangereuse pour les personnes qui achètent "à découvert", c'est à dire grâce à un crédit qu'elles espèrent rembourser par la seule revente du bien.
Des bulles immobilières ont déjà été observées dans certains pays (Etats-Unis, Chine), en lien avec une situation de forte spéculation ou de titrisation de crédits hypothécaires (crise des subprimes).
Crise des subprimes :
La crise des subprimes est une crise financière, née du non remboursement de prêts hypothécaires par certains ménages américains surendettés.
Dans les années 2000, les banques américaines ont accordé des crédits hypothécaires à taux variables aux ménages pour financer leur achat immobilier. Dans le principe de ce type de crédit, si l'emprunteur ne peut plus rembourser, la banque saisit le bien pour le vendre aux enchères et se rembourser.
De plus, les taux d'intérêt de ces prêts étaient "variables", ce qui signifie qu'ils devaient varier à la hausse ou à la baisse en fonction des taux directeurs. Or à partir de 2005, ces taux directeurs ont commencé à augmenter. Les mensualités à payer par les ménages étaient de plus en plus chères. Ne pouvant plus rembourser, un nombre croissant de ménages ont vu leur bien immobilier saisi pour être vendus aux enchères.
Anticipant que beaucoup de ménages ne pourraient plus rembourser leur crédit, les banques en ont titrisé et revendu une partie de ces créances sur les marchés financiers. Beaucoup d'acteurs ont alors acheté ces titres "toxiques", volontairement ou non (les titres étaient souvent vendus dans un "package" avec d'autres titres).
Dans le même temps, les prix de l'immobilier se sont mis à chuter. La vente aux enchères des biens immobiliers ne suffisait plus à rembourser les dettes des ménages, provocant le sur-endettement de nombre d'entre eux ainsi que la faillite d'établissement de crédit et de fonds d'investissement qui détenaient ces titres.
Par le biais de la titrisation, c'est ensuite tout le système financier qui s'est vu mis à mal, puis l'économie mondiale toute entière.
Taux directeur :
Les taux directeurs sont des taux d'intérêt fixés par une banque centrale. Ils permettent de réguler l'activité économique en agissant sur 3 leviers : le taux de rémunération des dépôts des banques, leur taux de refinancement et le taux d'escompte.
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