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Loin du mythe du marché libre, les gouvernements sont redevenus les grands architectes de la croissance. Défense, spatial, nucléaire, matières premières : l’argent public redessine la carte mondiale des performances boursières. Une ère nouvelle s’ouvre, celle du capitalisme d’État assumé.
Pendant des décennies, l’orthodoxie économique vantait le désengagement des États. Cette époque semble révolue. Depuis la pandémie et la montée des tensions géopolitiques, les gouvernements ont repris la main sur l’investissement, à coups de subventions, de plans industriels et de commandes publiques massives.
De la défense à la transition énergétique, en passant par le spatial et le nucléaire, la logique de marché s’efface derrière les impératifs de sécurité et de souveraineté. Cette intervention directe façonne désormais les prix des actifs. « Là où va l’argent public, la hausse des marchés suit souvent », résume Martijn Rozemuller, directeur général Europe de VanEck, société spécialisée dans les ETF thématiques.
Les chiffres en témoignent : en 2024, les dépenses militaires mondiales ont progressé pour la dixième année consécutive, atteignant 2 700 milliards de dollars, un record historique selon le SIPRI (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm). Les effets sur les marchés sont immédiats : le VanEck Defense UCITS ETF, qui suit les principales valeurs de l’armement, a bondi de 60 % depuis son lancement en mars 2023. Dans le même temps, le VanEck Space Innovators ETF, exposé à la nouvelle économie spatiale, affiche une envolée de +109 % sur douze mois, tandis que l’ETF dédié au nucléaire a progressé de +81 % depuis le début de l’année.
Ces hausses spectaculaires ne relèvent pas du hasard. Elles traduisent un phénomène global : la renaissance des politiques industrielles, nourries par la rivalité sino-américaine, la guerre en Ukraine et la volonté de réduire la dépendance énergétique et technologique.
L’État n’agit plus seulement comme régulateur : il devient actionnaire indirect via ses plans d’investissement et ses commandes stratégiques. Dans la défense, la hausse des budgets militaires soutient les industriels européens et américains, dont les carnets de commandes se remplissent pour des années. Dans le spatial, les programmes publics — constellations de satellites, systèmes de navigation ou missions de surveillance — tirent la croissance d’entreprises privées désormais étroitement liées aux armées et aux agences nationales.
Le nucléaire vit lui aussi un second âge d’or. Sous l’effet combiné de la crise énergétique, des objectifs climatiques et de l’essor de l’intelligence artificielle — gourmande en électricité —, de nombreux pays relancent leurs investissements. Les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Corée du Sud ou encore la Pologne multiplient les projets de réacteurs et de petits modules (SMR). En 2025, l’ETF VanEck Uranium & Nuclear Technologies progresse de près de 85 % sur un an, reflet d’un engouement mondial.
Même les métaux précieux profitent de cette vague d’intervention. Les banques centrales achètent de l’or pour renforcer leurs réserves, dans un contexte de remise en cause de l’hégémonie du dollar. En 2025, le métal jaune dépasse les 4 000 dollars l’once, et l’ETF VanEck Gold Miners s’envole de 125 %.
Cette nouvelle géographie financière consacre la montée en puissance des ETF sectoriels, instruments privilégiés pour capter les grandes tendances publiques tout en restant diversifié. Mais elle comporte aussi un revers : quand la politique se retire, les marchés corrigent brutalement.
Pour les investisseurs, cette ère d’interventionnisme assumé appelle une lecture renouvelée des cycles. L’analyse macroéconomique ne suffit plus : il faut comprendre les budgets étatiques, les priorités géostratégiques et les effets d’aubaine sur les filières industrielles.
Car si l’argent public crée des opportunités, il amplifie aussi la volatilité politique. Une alternance, un changement de doctrine énergétique ou un retournement diplomatique peuvent inverser en quelques mois la valorisation d’un secteur entier. D’où l’importance de ne pas confondre tendance structurelle et effet d’annonce.
Pour Martijn Rozemuller (VanEck), « les investisseurs doivent rester vigilants : les périodes de fort soutien gouvernemental peuvent conduire à des valorisations excessives. » La clé réside dans une allocation d’actifs équilibrée, via des ETF bien diversifiés, permettant de participer aux tendances de long terme sans dépendre d’une seule politique nationale.
Cette logique reflète une mutation plus profonde : la fin du paradigme libéral au profit d’un capitalisme piloté par les États. Dans un monde de concurrence stratégique, suivre la trace de l’argent public devient un réflexe aussi essentiel que le suivi des résultats d’entreprises.
L’État investisseur n’est plus une exception, mais le nouveau centre de gravité des marchés.Entre sécurité, souveraineté et industrialisation, les capitaux suivent désormais les politiques. Un changement d’ère… et un nouvel outil d’analyse pour les investisseurs.