Avec les taux d'intérêt très bas sur les marchés obligataires depuis plusieurs années, les assureurs semblent s'accorder sur le fait de vouloir réduire l'accès des particuliers aux fonds en euros. Les pistes envisagées sont de pratiquer des frais plus élevés, ou de conditionner l'investissement à la souscription d'une certaine proportion d'unités de compte.
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La loi Pacte a voulu simplifier le produit afin qu'il devienne plus attractif. 2 décrets parus les 26 et 29 décembre 2019 sont ainsi venus préciser les modalités des nouveaux fonds Eurocroissance. Un produit auquel croit le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, qui déclarait vouloir leur « donner un nouvel élan» lors de la conférence annuelle internationale de la Fédération française de l'assurance (FFA) le 25 octobre 2019. « Nous allons y arriver », avait-il assuré.
Grâce aux nouvelles dispositions, les souscripteurs pourront avoir une meilleure visibilité sur le rendement et adapter le terme de la garantie. Le taux de rendement devrait également être commun à tous les souscripteurs et la valeur de rachat sera désormais constituée par la provision de diversification*. Les particuliers pourront connaître le nombre de parts acquises ainsi que leur valeur, ce qui leur permettra une conversion en euros.
Mais ne nous le cachons pas, ces conditions restent bien compliquées à comprendre par rapport aux fonds en euros et aux autres placements sans risque comme le livret A... Pour convaincre, il faudrait que l'espérance de gain soit vraiment supérieure à celle d'un fonds sécurisé. Est-ce le cas ?
*La provision de diversification représente le potentiel de performance du fonds Eurocroissance. Elle correspond à la valeur totale des investissements réalisés par la compagnie d'assurance, à laquelle on retranche les sommes relatives à la provision mathématique.
Cette provision mathématique correspond à l'argent mis en réserve pour faire face aux engagements pris envers les assurés (provision pour le paiement des intérêts garantis ou du capital à terme).
Malgré la possibilité donnée aux assureurs de
ponctionner les fonds en euros pour doper les performances de l'Eurocroissance, ces fonds n'ont pas encore brillé par leur rendement. Certains ont même affiché des rendements négatifs. Conséquence directe : le produit Eurocroissance souffre d'un net déficit de notoriété auprès des particuliers.
Du côté des assureurs, le potentiel du produit reste limité. Même si l'objectif du gouvernement est de multiplier l'encours par 10 pour atteindre 20 milliards d'euros, cela reste une goutte d'eau dans la mer face aux 1800 milliards d'euros placés sur les assurances-vie à fin 2019. Vont-ils alors investir et déployer des efforts commerciaux pour placer l'Eurocroissance auprès de leurs clients ? Rien n'est moins sûr. D'autant que le produit est plus difficile à comprendre et expliquer que les unités de compte et les fonds en euros.
En effet, pour commercialiser ce produit, les assureurs devront présenter aux épargnants une simulation des valeurs de rachat sur les 8 premières années, incluant les frais prélevés. 3 hypothèses devront être soumises aux clients : la hausse, la baisse et la stabilité du fonds. Un travail exigeant, sans réelle visibilité sur le rendement à terme.
Un autre frein majeur est que ce produit oblige les assureurs à garantir à terme le capital investi. Pour faciliter les choses, l'Eurocroissance leur permet de moduler la garantie en fonction de l'horizon d'investissement. L'idée sous-jacente : plus l'épargne est bloquée longtemps, plus la garantie en capital pourra être importante, ce qui devrait permettre aux compagnies d'assurance de miser sur des actifs moins liquides mais potentiellement plus rentables à long terme.
Par exemple, les fonds pourront garantir 80% du capital au bout de 8 ans et 100% sur une durée plus longue. Mais dans un contexte d'incertitudes sur les marchés financiers et de taux bas (voire négatifs) sur les obligations d'État, garantir un capital est un vrai risque : ce sera à l'assureur d'assumer tout ou partie des pertes financières en cas de problème.
Boudés par les épargnants qui n'aiment pas le risque et par les assureurs qui disposent de produits plus simples à expliquer et moins risqués pour leur compagnie, les fonds Eurocroissance pourront-ils trouver leur place ?
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